Le célèbre Diogène avait une fois surpris sa communauté en sortant un jour en pleine canicule, dans la cité, écrasée par le soleil comme l´est aujourd´hui notre malheureuse cité, et a crié en brandissant sa vieille lampe à huile allumée tout son désespoir devant l´aveuglement de son peuple: «Je cherche un homme!». Le geste a été quelque peu parodié plus de deux mille ans après: pendant une séquence où la justice avait de la peine à démêler les fils de l´écheveau d´une ténébreuse affaire, le regretté Maître Arezki Bouzida avait entamé une plaidoirie restée célèbre dans les annales de notre justice en allumant un modeste briquet et en le promenant sous les robes des juges et greffiers attentifs: «Je cherche la vérité!» entonna-t-il avec le sens théâtral propre aux grands avocats. Les grands avocats ne sont-ils pas avant tout de grands comédiens? Et si leur système de défense est surtout mis au service d´un client qu´il faut avant tout préserver des griffes ou des foudres d´une justice pas toujours clairvoyante (les erreurs de justice sont quelquefois graves car elles sont parfois difficilement réparables), la recherche de la vérité est presque toujours le souci du juge impartial. Mais la vérité est dans certains cas, tellement bien camouflée que les parties en présence doivent dépenser des trésors de salive, de recherches, de savantes et pertinentes enquêtes, d´appels à témoins dont il faut souvent aiguillonner la mémoire pour qu´ils se «mettent à table», les rapports de police, les avis d´experts pour que le juge, à l´instant où il doit solennellement mettre sa conscience en accord avec les textes législatifs en dehors de toute pression médiatique, politique ou autre, prononce une sentence qui satisfasse le plaignant sans léser outre mesure le défendant et surtout répondre à l´attente populaire puisque la justice est rendue le plus souvent, sous tous les cieux, au nom du peuple. Hélas! la justice n´a pas toujours la clairvoyance qu´il faut puisqu´elle est toujours le produit de la société qui façonne les opinions et les comportements, donc, les jugements qui en découlent. Il faut se souvenir, qu´il y a plus de trois siècles, le célèbre philosophe français, Voltaire, dut publier, avec le talent et la renommée qui sont les siens, un écrit resté célèbre dans la jurisprudence française Traité sur la tolérance pour mettre en évidence la légèreté avec laquelle a été jugé un citoyen protestant nommé Calas, injustement accusé du meurtre de son fils: l´enquête policière avait été menée avec tous les préjugés qui pesaient contre les «huguenots» sous le régime absolu. Evidemment, le jugement rendu a été suivi de l´étranglement de l´accusé et la famille ne put obtenir qu´une réhabilitation du condamné, mais la justice elle-même fut la plus grande bénéficiaire puisqu´elle héritait d´un précédent qui allait avoir une heureuse influence sur les jugements postérieurs. Mais, hélas! toutes les affaires judiciaires présentant des zones d´ombre importantes ne connaissent pas toutes des issues aussi heureuses que celle de l´affaire Calas: toujours en France, la famille Seznec se bat depuis 1924 pour la révision du procès du père condamné au bagne à perpétuité. Malgré toutes les tentatives de la famille, la justice française demeure réfractaire à la réouverture du dossier bien qu´aucun mobile sérieux ne puisse être mis sur le compte de l´accusé qui avait présenté des alibis. Les progrès scientifiques réalisés depuis des années ont donné à la justice de nouveaux moyens pour pouvoir procéder à des révisions de procès salutaires: c´est le cas aux USA où plusieurs condamnés à mort ont été innocentés grâce aux tests A.D.N. Ce n´est pas le cas en France pour l´affaire Omar Radad. Quant à l´affaire Kennedy, il faudra attendre longtemps pour connaître le fin mot de l´histoire: la politique a des raisons que la Raison ne connaît point.