Routine n Alors que la ville dort encore, bien avant le lever du soleil, Saïd part avec sa carriole et ses deux ânes et il arrive à l?heure du chant du coq dans les dédales peuplées de la Haute Casbah. Il monte les étages des maisons, la couffe de paille sur l?épaule, trouve aux portes des escaliers les vieux bidons d?essence cabossés pleins d?ordures, il les vide dans sa couffe, ses deux ânes attendent leur maître dans la rue. Le soleil perce à peine quand il retourne de sa première tournée. Saïd fait ce métier depuis 25 ans. Selon lui, c?est le métier qui l?a choisi et non l'inverse. «Je suis arrivé à Alger à l?âge de 18 ans, je suis un illettré et je n?avais aucun métier à l?époque, alors un ami m?a proposé ce boulot. Au début j?avais honte, les jeunes et les gosses de la Casbah nous traitaient de tous les noms, zebbal, h?mayré(ânier), guebli. A maintes fois, j?allais renoncer à ce métier, j?étais jeune et je rougissais à chaque passage d?une jeune fille ! Mais je n?avais pas le choix. Heureusement que les personnes âgées nous encourageaient, nous donnaient de temps en temps des pourboire et nous invitaient à prendre un café chez eux», raconte-t-il. Saïd qui a aujourd?hui 52 ans, reconnaît que les choses ont beaucoup changé. «Aujourd?hui, notre métier n?est plus une honte et la plupart des jeunes qui l?exercent et qui y sont intéressés sont des jeunes. Les mentalités ont changé, les gens sont érodés par la misère et n?ont plus le temps de critiquer les autres», souligne-t-il. Une amitié et une fidélité sont nées entre Saïd et ses ânes. «Je me suis habitué à eux. Une fois, il y a cinq ans, un de mes ânes, qui m?a accompagné durant plus de 8 ans, est tombé malade. J?ai été très malheureux. Il est mort un semaine après. Je n?ai pas pu accepter facilement sa disparition. J?ai tout de suite compris pourquoi les Occidentaux aiment aussi fortement les animaux !», raconte-t-il.