Humiliée, l'Amérique rêvait d'une frappe forte et immédiate. Finalement, l'alliance anglo-saxonne a frappé l'Afghanistan, après que le monde eut retenu son souffle durant plus de 25 jours. Pour l'Administration de George Walker Bush, il fallait faire presque l'impossible pour arriver à cette frappe censée restaurer l'image du mythe increvable de l'invincibilité. Un mythe frappé de plein fouet par l'attentat con-tre le symbole économique et militaire du gendarme du monde. Il y a lieu de signaler que l'exaspération d'attente de l'opinion publique américaine a été très ressentie. Humiliée, l'Amérique rêvait d'une frappe forte et immédiate. Au point de mettre George W.Bush et ses proches collaborateurs dans la gêne. Les interventions médiatiques de Bush se succèdent. Il s'agit pour les Etats-Unis de tirer les enseignements du passé. Plus question de creuser l'écart entre la communauté internationale et l'Amérique, avec le sentiment antiaméricain qui a atteint même certains pays alliés. La couverture pour légitimer ces frappes a été faite donc sur la patience des citoyens américains. N'y a-t-il pas un travail persévérant de la diplomatie américaine? Bush a tenu à baliser la voie vers l'Asie centrale, une des régions les plus sensibles sur la carte géostratégique du globe. Une région où le terrorisme, la religion et les richesses pétrolières sont mêlés à cinq bombes nucléaires au pied du grand dragon à peine réveillé qu'est la Chine, et une Russie qui, jusqu'à un temps récent, négociait sa place stratégique sur la zone. L'autre aspect des plus délicats, pris au sérieux par les Américains, réside en l'opinion arabo-islamique, toujours frappée par le blocus contre le peuple irakien et l'oppression subie injustement par le peuple palestinien. Message reçu par George W.Bush, qui a dépêché son secrétaire d'Etat à la défense Donald Rumsfeld en tournée dans les pays arabes. Cela n'a pas suffi, puisque le président américain ira jusqu'à porter un coup aux relations avec l'Etat hébreu. N'a-t-il pas reconnu le droit à un Etat palestinien et forcé, d'une manière «brutale», Sharon à reprendre les négociations après la frustration de ne pas voir Hamas et Hezbollah sur la liste américaine des organisations terroristes? L'autre fait frappant, mais pas moins surprenant, c'est que la décision des frappes est intervenue sans l'aval de l'Organisation des Nations unies. Ces frappes, qui continuent à l'heure où nous mettons sous presse, ont été précédées par un travail de matraquage médiatique, diplomatique impressionnant et une offensive de charme en direction des pays arabo-islamiques et voisins de l'Afghanistan, pour les associer à la coalition. La médiatisation contre l'amalgame entre l'Islam et le terrorisme a été donc le cheval de bataille de toute l'Administration américaine, à sa tête le président Bush. Pour les Européens, les interrogations quant aux visées et à la méthode de la guerre contre le terrorisme, ont laissé la place aux sentiments d'insécurité vis-à-vis du phénomène du terrorisme international enraciné sur leur sol. Il s'agissait tout simplement de s'en tenir à l'article 5 de la charte de l'OTAN pour légitimer le devoir de solidarité militaire entre les pays de l'Alliance. Une légitimité non seulement nécessaire pour préserver les relations stratégiques avec les pays arabes et musulmans, mais aussi pour rassurer leurs citoyens. Comme une fatalité, la frappe a eu lieu. Reste à présent la question de savoir quelle sera la réaction de la rue arabo-musulmane. Y aura-t-il une espèce de sympathie envers Ben Laden? D'autant plus que les Américains comme ce dernier continueront de faire parler d'eux. Les premiers parlent d'une action qui dépasse une opération de police, l'autre déclarant fermement que l'Amérique ne connaîtra pas la paix tant que la Palestine ne connaîtra pas la sécurité. La lutte internationale contre le terrorisme est un travail de longue haleine, qui ne peut se faire que dans un cadre juridique approprié et commun. C'est beaucoup plus qu'une frappe. Certains y voient presque une utopie, puisque la confusion régnera de tous les côtés, rendant le pari encore plus difficile à gagner.