Les attentats spectaculaires contre les symboles de la puissance militaire et financière des Etats-Unis ont, grandement, ébranlé l'image du président George W.Bush. Les coups portés au coeur même de l'Amérique ont été suffisamment graves pour motiver une riposte immédiate des Etats-Unis. «Les auteurs de ces attentats seront poursuivis et châtiés», a dit le président américain dans un discours destiné à la consommation rapide. Mais les faits ne plaident pas, hélas, pour le président Bush. Certains analystes vont même jusqu'à dire que le compte à rebours a déjà commencé pour lui, en ce sens qu'il lui sera demandé de rendre des comptes sur la politique isolationniste qu'il a adoptée depuis son investiture. Sur toutes les questions d'ordre stratégique qui ont secoué le monde depuis une année, les Etats-Unis ont adopté une position à contre-courant de tout. Que ce soit à propos du dossier de l'environnement, de celui de la restriction de l'armement à destruction massive, encore plus de celui du Moyen-Orient, la question palestinienne et dernièrement, leur retrait des travaux de la conférence sur le racisme. Sur toutes ces questions, et sur d'autres encore, les Etats-Unis ont adopté une attitude de rejet de toute politique émanant hors des USA. Pire, le ton de Bush reste suffisant, présomptueux, presque arrogant à l'encontre des rogue states (Etats voyous). Et c'est justement ces petits pays, rompus aux techniques de la guérilla et des attentats-surprise, qui ont pu frapper cruellement les States. Sur ce plan-là, les Etats-Unis ont été défaits, humiliés. Et Bush doit réagir. Comment? Toute la question est là. Les milliers d'enquêteurs déployés sur le sol américain n'ont, jusqu'à présent, abouti à aucune piste sérieuse, bien que les noms de Ben Laden et de l'Afghanistan aient été au centre des soupçons. Les taliban ont démenti toute implication dans ces attentats, et se disent «prêts à extrader le milliardaire saoudien au cas où l'enquête prouverait sa culpabilité». Si telle est la disposition actuelle des «docteurs de la foi», Bush peut-il, objectivement, frapper Kaboul sans risquer de perdre tout crédit face à l'UE et au reste du monde? Peut-il alors frapper, comme par le passé, une autre capitale suspectée d'être commanditaire de ces attentats sans qu'il ait les indices prouvant sa culpabilité? En réalité, le vrai challenge qui va se poser à Bush est le suivant: comment entreprendre une action militaire efficace et d'envergure sans pour autant passer pour «un éléphant énervé dans un magasin de porcelaine»? L'idée américaine de construire un bouclier antimissile pour mettre à l'abri de toute surprise le territoire national, est née du concept stratégique «zéro mort», c'est-à-dire porter toujours la guerre hors des States, de telle façon qu'aucun citoyen ne peut mourir à l'intérieur du territoire. En deux mots, la guerre doit être toujours portée vers l'extérieur. Il est certes hâtif de déclarer que les attentats du 11 septembre 2001 ont sonné le glas de cette politique très américaine du «zéro mort». Toutefois, ils placent, face aux Etats-Unis, ce péril nouveau : à la place de l'Union soviétique, puis de la Russie qui avaient, durant près de cinquante ans, représenté le monde bipolaire, s'est installée une nébuleuse plus périlleuse encore pour les USA, représentée par les états voyous (dans la terminologie américaine), les réseaux terroristes et la criminalité organisée, et contre lesquels l'administration de George W.Bush doit élaborer une nouvelle stratégie. Non, l'Amérique n'a pas eu la «guerre des étoiles» qu'elle souhaitait. Elle a été la cible d'une guérilla classique, utilisant des forces américaines et procédant par un minutieux classement des priorités à cibler. Autant la cible est bien choisie et violemment frappée, autant l'impact est plus grand et l'onde de choc plus étendue. Cette nouvelle donne permet aux petits guérilleros et aux grands caïds, comme à toutes sortes de réseaux mafieux, terroristes ou autres, de jouer d'égal à égal avec la première puissance mondiale. C'est en cela que réside la nouveauté de cette série extraordinaire d'attentats antiaméricains. La riposte de Bush sera certainement fulgurante. Encore faut-il trouver d'abord le coupable.