Maître Lamouri a cru son client qui a affirmé avoir trouvé les papiers sur la chaussée. Pourquoi la justice ne le croirait-elle pas? Flanqué de Maître Benouadah Lamouri, Ali-Ishak N. la trentaine, est debout face à la présidente qui commence directement par rappeler l´inculpation au détenu poursuivi par le parquet pour faux et usage de faux, fait prévu et puni par l´article 222 du Code pénal, un article puisé dans la loi n° 82-04 du 13 février 1982, une loi qui se fait des cheveux blancs car, en vingt-huit années, aucun amendement n´est venu déranger cet article de loi qui prévoit une peine d´emprisonnement de six mois à trois ans et une amende de 1500 à 15.000 DA. Evidemment, le justiciable nie avoir falsifié la carte grise, acquise avec le véhicule avec lequel il avait roulé durant dix-huit mois. Il est vrai que lorsque les enquêteurs tombent sur de faux papiers, ils veulent bien aller vers une association de malfaiteurs de voleurs de voitures, de faussaires qui écument le pays. D´ailleurs, sur sa lancée, Maître Lamouri avait évoqué le coup de filet récent des gendarmes qui a porté un sérieux coup aux faussaires. Il a même rendu un vibrant hommage aux «Verts» qui font un boulot pas possible. «Vous aurez remarqué, Madame la présidente, que mon client n´a pas été interpellé à Mosta ou Oran. Il n´a rien à voir avec cette grosse affaire. Mieux! Au bénéfice de mon client, cette auto au châssis falsifié, n´a jamais été signalée volée. Elle provient probablement d´un véhicule entré sur le territoire national pour ne plus ressortir», a sifflé le conseil qui a, par la suite, expliqué le mécanisme fort connu des services de sécurité, qui consiste à voir la voiture «cachée» être démontée pièce par pièce, le tout vendu sous la table à des prix abordables, d´où le foisonnement de receleurs lorsqu´ils sont pris dans le filet policier. Revenant à l´affaire du jour, le défenseur s´est accroché bec et ongles au seul détail que son client disait la vérité lorsqu´il déclare, depuis le premier jour, avoir trouvé le document officiel sur la chaussée: «Devant les enquêteurs, devant le procureur et aujourd´hui, c´est la même version qui est débitée. Pourquoi ne pas le croire? Oui, Madame la présidente, pourquoi ne peut-on le croire, lui qui assure qu´il a découvert ce document sur le sol? Cela arrive si souvent que moi, son conseil le crois rubis sur l´ongle. D´après une petite expérience, je le crois, oui, je martèle:- Je-le-crois, c´est tout. D´autant plus qu´il a un casier vierge. C´est la première fois de sa vie qu´il met le pied dans une salle d´audience, devant vous Madame la présidente. Bahia Tabi Allallou, la présidente de la section correctionnelle du tribunal de Hussein Dey (cour d´Alger) bat des cils. Elle connaît cet avocat. Elle sait aussi que Maître Lamouri n´est pas n´importe qui. Elle rouvre sa chemise. Elle parcourt les feuillets qu´elle a pris soin de ne pas plier par correction et balance, sans sourire: «Maître, vous avez raison. Son casier est vierge. Bon, ce n´est pas une bonne raison de nous oublier dans les dédales des «salam alik», pond la présidente, vigilante comme jamais. A sa droite, Halim Boudra, le représentant du ministère public, lui, était en train de siffler dans l´oreille de Saïd, le policier de la Dgsn affecté au service d´ordre dans la salle d´audience, un «truc» qui avait un lien direct avec le parquet du premier étage, car dans la salle, seule la présidente possède la police de l´audience et cette histoire de portable qui avait grésillé et donc interrompu l´avocat de Dar El Beïda relève de l´autorité de Tabi qui avait tapé du poing sur le pupitre avant que justement le policier Ounis, du haut de ses 1.80 m avait ramené le mobile «coupable de nuisances» et déposé devant la présidente qui s´était vite emparé du permis de conduire à remettre en fin d´audience au «coupable de perturbation de débats». Na! Quant à Maître Lamouri qui avait repris sa plaidoirie, il n´avait eu que le réflexe de prendre acte de la date de la mise en examen de l´affaire du jour et surtout des demandes de Boudra: dix-huit mois avec sursis comme si, le procureur, lui, a cru l´inculpé autour de cette histoire de papiers trouvés sur la chaussée...