Le pays a connu d'autres cataclysmes, sans que l'on enregistre des réactions aussi promptes. Hué par un groupe de sinistrés à Boumerdès où il était en visite d'inspection, le Président de la République a eu une réaction très mesurée. Bouteflika a déclaré hier, en commentaire aux manifestations de mécontentement, que le peuple a une «importante ambition nationale», qu'il estime «plus importante que ses moyens». Cela dit, Bouteflika relève le caractère positif de cet état de fait, car il «permettra au peuple algérien de rattraper le retard par rapport à d'autres pays, principalement les pays européens». C'est donc en homme compréhensif de la douleur ressentie par les citoyens et surtout satisfait de ces manifestations de colère qui sont, selon ses propres propos, «signe de vitalité» que le chef de l'Etat supervise personnellement les opérations de prise en charge des victimes du tremblement de terre. Sa tournée dans les zones sinistrées aura permis au Président de constater de visu que les secours promis par les pouvoirs publics tardent à se concrétiser sur le terrain. Quelles qu'en soient les raisons, il y a lieu de s'attendre à ce que des instructions fermes soient données par les plus hautes autorités de la République pour remédier à cet état de fait. Déjà d'importantes décisions ont été prises lors du Conseil des ministres et l'on s'attend à une meilleure organisation des pouvoirs publics, dans les tout prochains jours. En effet, même si la présence de l'Etat sur le terrain des secours se met en place ave emps de retard, dû essentiellement à un manque de coordination, consécutif à l'absence d'exercices de simulation, l'autorité centrale tient tout de même à assumer ses responsabilités quant à l'indemnisation des victimes et leur relogement dans les plus brefs délais. Sur ce plan, l'Algérie, qui a eu à faire face à une catastrophe nationale le 10 novembre 2001, lors des inondations de Bab El-Oued, s'est montrée à la hauteur, puisque les sinistrés de ce quartier d'Alger ont tous été relogés en un temps record. Avant cela, le pays a connu d'autres cataclysmes, sans que l'on enregistre de réactions aussi promptes. Il faut dire que depuis Bab El-Oued l'Etat a intégré dans les actions de solidarité envers tous les sinistrés le principe de l'indemnité automatique, ce qui est en soi, une petite révolution. Plus encore, la prise en charge des victimes, contrairement au passé, ne s'arrête pas à la nourriture et aux soins, elle va bien au-delà. L'Etat s'engage publiquement à reloger les sinistrés à travers des actions d'urgence, de sorte que les Algériens, frappés par des catastrophes naturelles majeures, reviennent à une vie normale dans les mois qui suivent le sinistre. Certes, c'est la pression exercée par les citoyens qui pousse les pouvoirs publias à faire vite et bien. C'est cela le «signe de vitalité» évoqué par Bouteflika, mais il y a lieu de souligner que, même si tous les rouages de l'Etat ne réagissent pas au quart de tour, en cas de sinistre important, force est de reconnaître que les pouvoirs publics ont compris le message et s'emploient, autant que faire se peut, à répondre à la demande pressente de la société. Le séisme de mercredi dernier est une épreuve de plus pour le peuple, ainsi que pour le gouvernement qui se doit de colmater toutes les brèches constatées ces trois derniers jours. Les Algériens ont dénoncé le non-respect des normes de construction, comme ils ont dénoncé l'absence de gestion des conduites d'évacuation des eaux pluviales, lors des inondations de Bab El-Oued. Les pouvoirs publics ont le devoir d'enquêter sur les malfaçons dans les constructions, à l'origine de milliers de morts. Le Président de la République veillera à ce que justice soit rendue dans cette sombre affaire. Mais, au-delà de toutes les considérations et les réactions de colère, somme toute compréhensibles, il convient de constater que l'Algérie avance de crise en crise, de sinistre en sinistre.