L'horreur vous happe dès la sortie nord de Baghlia. En effet, toute la région comprise entre Benchoud et Dellys en passant par Ouled Kheddache et Sidi Daoud a revêtu un habillage post-apocalyptique. Tout au long du trajet, ce sont les mêmes images qui défilent. De vieilles bâtisses affaissées, de nouvelles constructions qui menacent de s'effondrer et des immeubles dont les murs sont littéralement tous lézardés et parfois avec des béances, rappellent tous l'atroce drame vécu mercredi soir. A Dellys, les dégâts sont énormes. D'ailleurs, la ville est déclarée sinistrée. Hier, un bilan provisoire établi à 14h faisait état de 126 morts et de 1600 blessés. Le décompte macabre n'est pas près de s'arrêter là, puisque, selon le directeur de l'hôpital, de nombreuses personnes se trouvent encore sous les décombres dans plusieurs quartiers. Un constat d'autant plus confirmé par l'incessant ballet d'ambulances et de véhicules de la Protection civile. A ce titre, nous avons appris que les quartiers de la Nouvelle-Ville et de Tagdemt, dont les logements ont été réceptionnés la semaine dernière, se sont transformés en véritables charniers. La polyclinique était débordée par le flux de blessés. Des équipes médicales dépêchées des wilayas de Tizi Ouzou et de Tipasa arrivaient tant bien que mal à maîtriser la situation. Mais la bravoure et l'abnégation des équipes médicales, de la Protection civile et de la Gendarmerie nationale se sont avérées insuffisantes. Hier donc, la population de Dellys était livrée à elle-même. Les structures officielles viennent, encore une fois, de briller par leur absence et leur incompétence. Des centaines de familles étaient entassées dans la salle omnisports, au stade municipal et dans l'espace de la gare routière. Ces familles meurtries avaient pour seul viatique de l'eau minérale, des sacs de couchage et des tentes de fortune. Face à la démission de l'Etat, les citoyens ont pris leur mal en patience et ont décidé de s'organiser. Munis de pioches, de pelles ou à mains nues, des jeunes étaient côte à côte avec les éléments de la Protection civile et de militaires à creuser à la recherche de cadavres ou de survivants sous des tonnes de béton et de gravats. A 13h, au quartier de la Nouvelle-ville, les troupes de l'ANP, les pompiers et les bénévoles avançaient au pas de charge sur les décombres enchevêtrés. Les Poclain, les bulldozers et autres engins de terrassement fouillaient les ruines. Tout mouvement brutal pouvait mettre en péril la vie des éventuels survivants. Des secouristes suédois et sud-coréens assistaient leurs homologues algériens. Le silence était pesant. Les mines défaites des pompiers augmentaient la sinistrose régnante. Des échos nous parvenaient que la localité de Sidi Daoud est complètement rasée et que les chances de retrouver des miraculés frisent le zéro. Face à l'ampleur du drame, un extraordinaire élan de solidarité s'est manifesté autour de la ville de Dellys, à l'instar de toutes les autres villes touchées par la catastrophe. A cet effet, l'antenne locale du Croissant-Rouge croulait sous les tonnes de denrées alimentaires, de couvertures, de vêtements et de bouteilles d'eau. Ces dons arrivaient de toutes les wilayas, notamment celles de Tizi Ouzou et Béjaïa. En attendant un geste réconfortant des autorités, la population de Dellys compte et enterre ses morts, panse ses plaies, sèche ses larmes et prie pour ses survivants.