«Confortablement installé dans son bureau, notre président d'APC attend que les aides lui tombent du ciel.» Des camions chargés de centaines de tonnes de dons, arrivant de toutes les wilayas du pays, défilent vers le centre de réception des aides installé aux Pins-Maritimes (Foire d'Alger). Une activité ininterrompue de véhicules appartenant à des particuliers et à des entreprises nationales a été constatée durant toute la matinée. «Uniquement pour la journée d'hier, on a servi 2 373 couvertures, 25.644 bouteilles d'eau minérale, 7488 litres de lait, 18.000 kg de pomme de terre, 11.000 pains, 12.625 kg de semoule, 500 sacs de farine (25 kg), 15.475 boîtes de lait en poudre et l'opération est toujours en cours», a indiqué Kheireddine, directeur de la solidarité et de l'aide psychologique à la wilaya d'Alger. Paradoxalement, les citoyens touchés par la catastrophe crient au manque d'aide. Il y a une véritable désorganisation au niveau de la distribution de proximité. De nombreux citoyens, voire des responsables chargés de la collecte des dons au niveau de la foire ont mis à l'index la défaillance des autorités locales. «Plusieurs victimes sont sous les décombres, des milliers de citoyens dehors et on n'a absolument rien reçu cinq jours après la catastrophe», s'est plaint hier, un citoyen de la commune d'Ouled Hedadj, une localité de 30.000 habitants située à quelques kilomètres de la ville de Réghaïa. «On ne demande pas de la bouffe, mais de l'eau et des tentes», déclare un autre citoyen de la même localité. Excédé, un autre enchaîne: «Notre président d'APC n'a ni tenu un conseil communal, ni installé une cellule de crise, ni n'est venu nous voir, il s'est enfermé dans son bureau et attend que les aides lui tombent du ciel.» Lamari, DCP à la wilaya d'Alger et chargé de superviser les opérations d'enlèvement des dons, confirme la défaillance: «J'ai vu, hier à minuit (samedi Ndlr), des camions chargés de repas chauds revenir, car ils n'ont pas trouvé de structure d'accueil pour décharger les provisions.» Trois pavillons ont été ouverts à la Foire d'Alger (Pins-Maritimes) pour recevoir les dons, en attendant un quatrième. Une fois réceptionnés, les dons sont acheminés par convois, sous escorte, vers cinq centres installés à Draria, Sidi M'hamed, El-Harrach, Dar El-Beïda et Rouiba. C'est à ce niveau que la chaîne de distribution semble être rompue. Manquant d'«expérience dans la gestion des catastrophes et débordées par l'ampleur du drame, les autorités locales «ne font que constater la situation». Devant cette défaillance en amont, les sinistrés s'impatientent et la colère continue de monter parmi la population accusant notamment les autorités d'incompétence. «On est livrés à nous-mêmes. Il n'y a ni policier, ni pompier, ni militaire. Pour les aides, nous survivons grâce aux dons des citoyens d'Alger et de Tizi Ouzou», s'est indigné un rescapé de la cité 20-Août de Bordj Menaiel. Lassés par l'attente, des associations et des citoyens se sont rendus, hier, aux Pins-Maritimes pour récupérer des dons, mais ils ont essuyé un niet catégorique de la part des responsables sur place. «La façon dont sont distribuées les aides est bureaucratique et trop longue, on repart à notre siège et on va s'en remettre aux quelques dons des citoyens», déclare Flora Boubegoute, présidente de l'association nationale de soutien aux handicapés, El-Baraka, avant de lancer un appel à toutes les personnes pouvant les aider avec des béquilles ou du matériel orthopédique. Lamari tente d'expliquer la procédure: «C'est une question d'organisation. Chaque enlèvement doit se faire avec une autorisation signée par un président d'APC ou par le wali délégué.» Et de conclure: «Ce n'est pas de la bureaucratie, il s'agit d'éviter les détournements, constatez de vous-mêmes, chaque convoi est escorté.»