Alors que les aides affluent des quatre coins du monde, les sinistrés souffrent toujours. L'aéroport Houari-Boumediene est inondé par les aides internationales et la collette des dons nationaux a submergé les cinq pavillons des Pins-Maritimes réservés à cet effet. Paradoxalement, les familles rescapées du séisme souffrent terriblement. «Les citoyens vont sortir dans la rue si les choses continuent sur ce rythme», s'affole un habitant de Ouled Heddadj. Il déclare que sa localité a été «laissée à l'abandon par les autorités». «Nous avons besoin de tentes et de lait pour les enfants», a-t-il ajouté. Un autre citoyen, habitant la cité 20-Août à Bordj Menaiel crie sa colère: «Il y a une seule tente pour 1600 habitants, alors que la radio annonce que des milliers de dons affluent de partout dans le monde», avant de lâcher: «C'est un scandale pour notre pays qui n'a rien appris des inondations de Bab el Oued.» Un autre citoyen venu de Dergana lâche sa colère. «Les aides sont distribuées de façon sélective, personne n'a regardé de notre côté, nous nous sentons comme de sous-citoyens.» Face à un sentiment d'abandon par les autorités, les citoyens ont menacé hier à Réghaia de faire un sit-in. Il est clair que ce n'est pas les dons qui font défaut. Le responsable chargé de l'enlèvement des dons au niveau du centre de réception des Pins-Maritimes a clairement accusé les structures locales de défaillance. «Ils n'ont établi aucune stratégie d'action pour parer à la catastrophe», nous a-t-il déclaré avant d'ajouter: «J'ai vu des camions chargés de repas chauds revenir sur leur lieu de départ et pour cause ils n'ont pas trouvé de structure d'accueil.» En effet, des centaines de convois démarrent quotidiennement des Pins-Maritimes, où sont stockés les dons, vers les localités touchées par le séisme. L'anomalie réside au niveau des structures locales. L'existence de cette défaillance est d'autant plus confirmée qu'aucun détournement n'a été signalé jusqu'à présent. Ce qui ne peut être le cas puisque les dons sont acheminés vers les zones touchées par la catastrophe, sous escorte de la gendarmerie ou de la police. Aucune organisation n'a été mise sur place pour effectuer une distribution de proximité. Les actions menées par des bénévoles sont loin de palier ces défaillances. L'absence totale des autorités locales a, d'ailleurs, éveillé les appétits pour la récupération politique. Le retour de la mouvance islamiste sur le terrain est de plus en plus évoqué. Par ailleurs, même les familles qui ont été relogées dans des tentes se plaignent de la précarité qui leur a été réservée. Deux familles sont logées dans une seule tente fournie par l'armée, la Protection civile et l'aide internationale. Si l'opération d'aide ‘est améliorée au niveau d'Alger, c'est loin d'être le cas dans les régions isolées. La cadence des repas chauds servis est montée de 11.000 à 28.000 repas quotidiens, en plus des rations de combat de l'armée, et des dons de nourriture en provenance d'autres régions du pays et de l'étranger. Dans ce mouvement de confusion générale et d'absence caractérisée de l'Etat, des milliers de citoyens encore sous le choc continuent à passer la nuit dehors. Près de 100.000 personnes dormiraient actuellement à la belle étoile en Algérie à la suite du séisme, par crainte d'être victimes de nouvelles secousses, selon des estimations fournies hier, à Genève par le président du Croissant-Rouge algérien, Abdelkader Boukhroufa. «Cette population sans abri, pour un seul (département), est fixée à 10.000 personnes, mais mon point de vue est qu'il y en a davantage. Il faut y rajouter aussi toutes les personnes qui (...) n'osent pas rejoindre les bâtisses, tant qu'il y a des répliques», a-t-il déclaré dont les maisons ont été détruites ou sérieusement endommagées, et tous ceux qui sont effrayés à la perspective de revenir chez eux en raison de la poursuite quotidienne de fortes secousses telluriques. M.Boukhroufa s'est rendu hier à Genève au siège de la Fédération.