Le chef de l'Etat est comptable devant la nation et devant l'Histoire. Les effondrements d'immeubles constatés lors du tremblement de terre engagent, en premier lieu, la responsabilité de l'Etat. Tous les observateurs s'accordent sur cet état de fait. L'absence de contrôle technique et autres matériaux de construction déclassés, importés en toute impunité par des opérateurs peu scrupuleux, mettent en évidence la défaillance des structures d'un Etat qui a failli dans l'une de ses missions essentielles, à savoir la garantie de la sécurité des citoyens. L'hécatombe de Boumerdès renseigne également sur l'étendue de la corruption qui, ce n'est un secret pour personne, a tendance à gangrener des pans entiers du tissu social algérien. Seulement, c'est un exercice assez aisé que de personnifier l'Etat dans l'actuel locataire d'El-Mouradia. Le phénomène du laxisme des pouvoirs publics et de la corruption dont se rendent coupables certains agents de l'Etat ne date pas d'hier, même si l'Algérie en paye aujourd'hui la facture en milliers de vies humaines. Au lendemain du séisme d'El-Asnam, l'Algérie a pris conscience de la nécessité du respect des normes antisismiques dans le secteur du bâtiment. Or l'onde de choc passée, les responsables de l'époque sont revenus à leur nonchalance. Les gouvernants des années 80 sont directement responsables des conséquences néfastes du séisme. Faut-il rappeler qu'à l'époque, l'Algérie était gouvernée par un Exécutif FLN. Quand bien même les responsables, autant centraux que locaux, invoqueraient une suprématie d'un clan mafieux qui dictait ses ordres à un «FLN-faire-valoir», cela ne les disculpe pas de la responsabilité d'avoir permis un détournement de la loi à l'origine de graves dysfonctionnements du secteur du bâtiment. Les citoyens sont en droit de réclamer des comptes aux responsables placés à la tête des Opgi, des APC, des wilayas, des ministères, voire de la présidence de la République. Il n'y a pas que les corrompus et les corrupteurs qui doivent répondre de leurs actes. Même les responsables dits honnêtes, qui ont laissé faire à commencer par Abdelhamid Brahimi, l'ancien Premier ministre, aujourd'hui en exil volontaire à Londres. L'ouverture démocratique, pour laquelle sont morts des centaines de jeunes, n'a rien changé aux comportements mafieux de certains dignitaires et laxistes de nombreux cadres, dont l'échelle d'évaluation tient du degré de complaisance avec les nouveaux riches, le plus souvent, sans scrupules. Les années 90 ont été une période noire, pas seulement sur le volet sécuritaire, mais aussi au plan de la gestion des affaires publiques. Certes, la priorité était, à l'époque, à la survie de la nation, mais sous le couvert de cette expression pompeuse, trop de choses malsaines, voire criminelles ont été commises. De Ali Kafi et les gouvernements dirigés par Belaïd Abdesselam et Rédha Malek, à Bouteflika qui a vu défiler quatre chefs de gouvernement, en passant par Zeroual et ses chefs de l'Exécutif, Ahmed Ouyahia à Mokdad Sifi, sont tous comptables devant la nation. Au même titre que les directeurs des Opgi, des Eplf, des DEC, des maires RND, FLN, MSP, RCD et au-tres. Le mal qui ronge l'Algérie n'est pas né avec la Concorde civile et encore moins avec l'élection de Bouteflika à la magistrature suprême. Le problème est plus profond. Il tient aussi de cette classe politique d'essence rentière qui ne court qu'après les privilèges et dont les élus changent de parti comme on change de chemise. C'est tout ce beau monde, qui se rejette la balle à chaque catastrophe, qu'il faut mettre devant ses responsabilités. Le chef de l'Etat a le devoir d'ordonner une véritable enquête, la plus poussée possible, aux fins de débusquer tous les responsables quel que soit leur rang, quitte pour cela à vider l'administration algérienne. Bouteflika a véritablement une mission historique : venger, par la force de la loi, les milliers de victimes des cadres et autres politiciens irresponsables. Il est comptable devant la nation et devant l'Histoire.