Un nombre effrayant de villas de construction récente s'est effondré alors que des demeures séculaires n'ont pas subi la moindre fêlure. Depuis Bab Ezzouar jusqu'à Boumerdès, en passant par Corso, Cap-Djnet, Bordj El-Bahri... le même phénomène étonnant, désolant, a attiré notre attention. Les anciennes riches terres agricoles, tombées aux mains des spéculateurs fonciers, et hérissées de villas inesthétiques et commerciales se sont quasi systématiquement toutes effondrées. Dans le même temps, des immeubles de plusieurs dizaines de mètres sont restés intacts. Mieux, des constructions vieilles de plus d'un siècle ont résisté stoïquement à ce séisme dévastateur. Des villas mitoyennes, construites soit avant soit après le milieu des années 90. Durant cette période, précisent de nombreuses sources proches du marché de la construction et des matériaux y afférents, «une grande anarchie caractérisait ce secteur». Incroyable mais vrai. Des villas toutes neuves, effondrées, offraient, un peu partout sur le littoral, une vision surréaliste: du béton ne datant que de quelques années, voire quelques mois, s'effritant comme s'il s'agissait de plâtre ou de construction datant de plusieurs siècles au moins. Les experts sont formels, outre le rond à béton de mauvaise qualité, le ciment, non requis pour ce genre de construction, il ne fait aucun doute que du sable marin est quasi systématiquement utilisé avec la complicité de beaucoup de personnes, y compris dans les rangs des services de sécurité. Le sable marin fragilise le ciment à cause de sa haute teneur en sel, rend le béton friable et les habitations bien plus fragiles. Tous les experts s'accordent à le dire. Ayant requis l'anonymat, des experts désignent deux grandes entreprises qui, durant cette période, «ont amassé de véritables fortunes en important, grâce aux deniers publics, du rond à béton déclassé, irradié, ne répondant pas aux normes techniques, dans un état avancé de rouille...». Les complicités, nous dit-on encore, remontent loin aux niveaux des circuits décisionnels de l'Etat. Le Cnes, (Conseil national économique et social), dans un important rapport, avait, pour sa part, touché du doigt la gravité de la situation, l'absence quasi totale de respect des normes de sécurité dans les constructions, trop souvent chez les privés, et parfois moins chez les entreprises étatiques. Ce Conseil qui, bien souvent, a joué le rôle de véritable «visionnaire» à propos de nombreuses questions sociales et économiques, avait aussi, dans ce rapport, prévenu du «risque d'une catastrophe majeure» à cause de la trop grande anarchie qui règne dans le secteur du bâtiment depuis l'amont jusqu'à l'aval, comme le prouvent les articles de nos reporters, basés sur les témoignages d'experts du terrain. Les pouvoirs publics, par la voix du chef du gouvernement, avaient indiqué que des enquêtes allaient être ouvertes concernant les édifices (uniquement publics) effondrés, les responsabilités seront situés et, les coupables éventuellement, châtiés. L'on croit savoir que dans le cadre des enquêtes tous azimuts, de nombreux responsables, situés à divers niveaux, auraient été convoqués par les services de sécurité en vue d'être entendus en tant que témoins. Certains, croit-on savoir encore, seraient inculpés par la justice dans les prochains jours. Ils risquent même d'être incarcérés en attendant leurs jugements. Les promoteurs privés, coupables dans de biens nombreux cas d'homicides involontaires, doivent être poursuivis au même titre que les agents de l'Etat. C'est ce déclarent la plupart des rescapés rencontrés sur les lieux du drame. Le scandale des matériaux de construction, notamment celui du rond à béton, est condamné à éclater. Trop de sang a coulé pour que ceux qui s'en sont rendus coupables s'en sortent comme ils ont toujours réussi à le faire par le passé...