C'est une catastrophe aux effets multiples. Un cataclysme de l'ampleur de celui du 21 mai qui a partiellement détruit la wilaya de Boumerdès et gravement endommagé de nombreux édifices à Alger, Bouira et Tizi Ouzou, a des répercussions considérables sur les plans social, économique, humain, psychologique, politique. C'est une catastrophe aux effets multiples. L'interpellation des autorités publiques, parfois d'une manière brutale et frontale, est une chose tout à fait légitime en soi. Au-delà de la colère et de l'angoisse qui s'expriment, les catastrophes comme celles-ci sont aussi l'occasion de mettre les autorités devant leurs responsabilités et de leur demander des comptes en les questionnant à juste titre sur leur imprévoyance et leur gestion au pifomètre. On ne gère pas une nation de trente millions d'habitants comme on gérerait une épicerie. Quand on est incompétent, qu'on se retire et qu'on laisse la place aux autres. C'est aussi cela la démocratie. Et il est salutaire qu'à huit mois de la présidentielle, des voix s'élèvent pour mettre le holà aux joutes électoralistes oiseuses et autres manoeuvres bassement partisanes. Il faut à la tête de l'Exécutif une équipe forte, homogène, compétente, mais aussi désintéressée et n'ayant pour souci que l'intérêt général du pays. Cela dit, c'est l'aspect économique qui nous intéresse ici. Au-delà des secours d'urgence à apporter sur place pour retrouver des survivants, dégager les corps des victimes, déployer les moyens qu'il faut pour aider les sinistrés sous les tentes, en médicaments, en vivres, en soutien psychologique, il y a aussi la nécessité de remettre en marche les activités économiques de ces régions, car il faut dire que tout est pratiquement paralysé. Sachant que le tremblement de terre a frappé de plein fouet une zone sur laquelle sont implantées quelques-unes des plus grandes unités industrielles du pays, et dans lesquelles les personnes employées sont près de 50 %, touchées par le séisme, en plus des dommages causés aux édifices eux-mêmes, dont la plupart sont fissurés ou carrément détruits en partie ou en totalité, on imagine les conséquences de tout cela sur la situation économique générale de la région. A titre d'exemple, les inondations de Bab El-Oued avaient entraîné la fermeture de la cimenterie de Raïs Hamidou pour plusieurs mois et son personnel mis en chômage technique. Les commerces sis au marché de Triolet ont été noyés et définitivement rasés. Ceux du boulevard Mira ont été gravement endommagés. Nul doute qu'il en sera de même, cette fois, pour les unités industrielles de la zone industrielle de Rouiba-Réghaïa, pour celles de Meftah, de Boudouaou, de Corso, de Naciria, de Bordj El-Kiffan, de Bordj El-Bahri, des Issers, de Thenia, de Zemmouri, toutes les briqueteries, limonaderies, mégisseries, biscuiteries, le central téléphonique d'El-Harrach, les infrastructures de la Sonelgaz, les ouvrages hydrauliques, les conduites d'eau, les ponts et les routes, les établissements scolaires et universitaires. Des boulangeries et de simples ateliers et garages mécaniques n'ont pas été épargnés. Que dire d'un bâtiment ou d'une villa qui s'écroule en réduisant en ruine les commerces, les ateliers, les cabinets d'avocats ou de médecins qu'ils abritent? Rien que le fait de rouvrir les petits commerces pour approvisionner la population en denrées de base est en soi un exploit, sachant que le marché noir bat son plein et que les trabendistes ne ratent pas l'occasion de multiplier les prix pour plumer les pauvres gens. Les communes touchées ont été déclarées zones sinistrées par le gouvernement, c'est un premier pas certes, mais la reconstruction des habitations et la remise en marche des unités économiques ne se fera pas du jour au lendemain. Il faudra aussi que l'Etat mette la main à la poche et puisera forcément dans le Trésor public, l'argent nécessaire à la reconstruction. On en vient à se dire que les réserves de change si jalousement gardées, mais aussi si ardemment convoitées par les uns et par les autres, ne sont pas aussi inutiles que ça, et que dans les situations inédites d'urgence comme celles-ci, elles ne sont pas de trop. Elles sont même les bienvenues. Déjà, il se dit que la saison estivale est compromise dans cette région côtière du Nord du pays où de nombreuses familles tirent leurs ressources des activités économiques ou commerciales liées au tourisme saisonnier. La loi de finances complémentaire, discutée hier en Conseil des ministres, aura la difficile tâche de répondre aux questions angoissantes que se posent les sinistrés à propos de la reconstruction de leurs maisons, de la remise en marche de leurs activités et du retour des enfants à l'école.