Il y a quatre ans jour pour jour frappait à Boumerdès un séisme sans précédent qui a occasionné des dégâts humains et matériels considérables. La catastrophe a fait des milliers de familles sinistrées que l'Etat devait prendre en charge en toute urgence. Dès les premiers jours, les actions se sont multipliées pour venir en aide à la population de la région. Des camps de toile seront vite installés dans les quatre coins de la commune pour qu'ils soient remplacés en l'espace de 4 à 5 mois par des chalets. Le cataclysme a provoqué la mort de 1391 personnes et des dommages plus ou moins importants à 95 243 logements et 890 édifices publics. Passée l'urgence d'abriter les citoyens dans des conditions meilleures afin qu'ils ne passent pas l'hiver sous les tentes, les pouvoirs publics se sont attelés à « gérer les incidences du séisme ». Aussi émettra-t-on un décret fixant des aides financières pour arrêter un programme de reconstruction dans toute la zone sinistrée. Un bilan avancé hier par la wilaya de Boumerdès fait état d'un avancement considérable dans la prise en charge de tous les sinistrés du département. En effet, les 82 581 habitations à conforter ou à réhabiliter ont totalement été prises en charge, lit-on dans le document de la wilaya. Pour ce qui est des habitations perdues et qui sont au nombre de 9467, l'administration affirme que 8140 d'entre elles, soit un taux de 86%, ont été remplacées. Soit dans le cadre du programme de la reconstruction des habitations par l'Etat, lequel programme contient plus de 8000 unités, soit dans celui de l'aide à la reconstruction collective ou individuelle, ou alors en accordant carrément des aides à l'acquisition (achat) de logements. Le bilan de la wilaya de Boumerdès, arrêté au mois de mai courant, révèle que l'opération de relogement a touché jusqu'ici 4287 familles dans les quatre coins de la wilaya, tandis que 3787 autres sont prises en charge dans le cadre de la reconstruction et 66 autres été ont aidées afin d'acquérir un toit. Les 1327 cas restants représentent « pour l'essentiel des familles qui préfèrent attendre les logements en cours de réalisation dans leurs communes respectives ». « Si ces familles avaient accepté le relogement dans d'autres communes, on aurait pratiquement achevé l'opération de prise en charge des sinistrés de la catégorie rouge 5 qui remplissent les conditions réglementaires », précise l'administration. Pour ce qui est des fiches composées et les cas particuliers, les autorités de wilaya affirment que « leur examen se poursuivra au cas par cas », car le décret portant aide aux sinistrés stipule que l'on n'accorde qu'une aide à tout citoyen pouvant justifier la propriété de la bâtisse écroulée, quel que soit le nombre d'appartements qu'elle renfermait et sans tenir compte du nombre de foyers qu'elle abritait. Cela a fait sentir à une catégorie de citoyens, notamment les locataires et ceux qui vivaient dans une habitation collective (chez leurs parents par exemple), qu'ils ont été « lésés ». Les ex-occupants des logements de fonction se sont retrouvés dans la même situation. Le séisme du 21 mai 2003 n'a pas épargné les édifices publics, puisque pas moins de 890 unités ont été endommagées et aujourd'hui on est à 93% des dégâts réparés dans ce registre. La gestion des chalets, un casse-tête Les 15 467 chalets installés sur tout le territoire de la wilaya passent au volet social lorsqu'ils sont libérés par les sinistrés, a décidé le gouvernement. Leur gestion est en train d'être confiée à l'OPGI. Il y a des voix qui s'élèvent pour exiger que l'on démantèle ceux installés sur des terres agricoles et d'autres qui réclament la récupération de ceux qui se trouvent au bord de la mer pour un usage touristique. Mais la crise de logement ne semble pas permettre de telles options. Surtout que depuis 2003 tous les efforts de construction dans la wilaya sont portés sur le relogement des sinistrés, mettant ainsi en attente les cas sociaux. Le procès « très prochainement » Devant l'ampleur des dégâts enregistrés lors de cette catastrophe, l'on devait situer les responsabilités. L'Etat a pour ce faire lancé une action en justice afin de définir les erreurs et situer les responsabilités. La Gendarmerie nationale a mené son enquête qui a duré plus d'une année et ainsi entendu des milliers de citoyens soit en tant qu'inculpés ou en tant que témoins. L'enquête s'articule bien entendu sur les responsables d'entreprises de construction, les promoteurs publics et privés ainsi que les responsables élus ou désignés qui ont eu à gérer les projets de construction qui ont lors du séisme révélé une fragilité qui sème le doute. On ne s'explique pas comment un bâtiment de 3 étages construit pendant les années 1980 ou 1990 s'écroule comme un château de cartes alors que tout autour d'autres bâtisses plus imposantes ont résisté à la secousse. L'enquête de la gendarmerie achevée, le dossier a été transmis à la justice qui, depuis 2005, mène son instruction. Il y a une année, le dossier a été renvoyé par la chambre d'accusation au magistrat instructeur pour un complément et un approfondissement de l'examen. Si tout reste en l'état actuel, 38 personnes répondront devant le juge pour des chefs d'inculpation de « fraude dans la construction », « d'homicide involontaire », « de blessures involontaires », « de transgression de la loi relative à la construction » en plus d'autres chefs d'inculpation que notre source refuse de divulguer par « devoir du secret de l'instruction ». Sans avancer de date précise, une source judiciaire nous a affirmé hier que « le dossier est finalisé ». Reste l'aspect technique pour préparer toutes les conditions permettant la tenue d'un procès. Si le dossier du séisme a pris tout ce temps, c'est parce que de multiples expertises ont été faites et refaites, nous a-t-on expliqué. Notre source refuse cependant de « s'aventurer sur une date quelconque ». Il faudra des conditions matérielles très importantes lorsqu'on sait que la gendarmerie a remis d'impressionnantes quantités de documents à la justice avec un rapport dépassant les 2000 pages. A cela s'ajoute le fait que toutes les victimes, soit toutes celles qui ont essuyé des pertes matérielles ou humaines, peuvent se constituer partie civile dans ce procès. Notre source nous déclare que « si ce n'est pas cet été, le procès interviendra au début de l'année judiciaire prochaine ». Un procès est attendu, vu que seront jugées des personnes accusées d'avoir fraudé sur les normes de construction, laquelle fraude a provoqué des milliers de morts et de blessés, des handicapés, des veuves et des orphelins.