Il y a des avocats qui redoutent les plaidoiries, face à un adversaire absent. Maître Lamouri adore, lui! Défendant Abderazak T. A., une victime d´abus de confiance, Maître Benouadah Lamouri, cet avocat qui se veut plutôt convaincant devant des juges du siège qui mordent dans le gain de temps, a voulu cette fois, vu la gravité des faits, s´étaler en longueur dans le rappel des termes clairs de l´article 376 du Code pénal qui fait état, d´abord, de la mauvaise foi. A ce propos, l´avocat de Dar El Beïda s´est voulu tranchant: «Madame la présidente, avant même les livres et les prophètes, les sociétés vivaient sous le couvert de la bonne foi. Il y avait une osmose entre les peuples animés de bonne foi. Et lorsque ces sociétés sortaient de la mauvaise foi, c´était la guerre. Or, sortir de la mauvaise foi, c´est faire acte de mauvaise conduite», a expliqué le défenseur qui a prié la juge de lui accorder encore deux minutes, pour lui rappeler que le législateur a usé de sa compétence pour débuter l´article 376 par le mot «mauvaise» foi et donc cet article de loi dispose d´ailleurs, que «quiconque de mauvaise foi, détourne ou dissipe au préjudice des propriétaires, professeurs ou détenteurs, des effets, deniers, marchandises, billets, quittances ou tout autre écrit contenant ou opérant obligation ou décharges, qui lui ont été remis qu´à titre de louage, de dépôt, de mandat, de nantissement, de prêt à usage ou pour un travail salarié ou non-salarié, a la charge de les rendre ou représenter, ou d´en faire un usage ou un emploi déterminé, est coupable d´abus de confiance.» Ici, le conseil venait, à vrai dire, d´étaler les faits de cette grave affaire qui remonte à la mi-2010, lorsque Abderazak T.A. venait d´acheter, factures en main, de l´électroménager pour plus d´un milliard de centimes. Vu le volume des objets acquis, le pauvre bonhomme qui venait de l´est d´Alger ne pouvait procéder au transport. Pour ce faire, il se mit à la recherche d´un garage. Il trouvera un hangar. Trois individus le reçurent avec tous les égards dus à un futur locataire qui poussera l´intégrité jusqu´à régler tout le montant, rubis sur l´ongle. Qu´importe le prix fixé par les trois gus pour que la marchandise trouve abri. Il ramènera donc sa marchandise et la plaça en lieu sûr. Enfin, en lieu qu´il crut sûr! Quelques jours plus tard, il trouva l´engin prêt à embarquer la quincaillerie pour couvrir les 300 kilomètres... Il se présenta au hangar. Les trois gus n´y étaient plus. Le hangar était vide. La marchandise s´était volatilisée!Le choc fut terrible. Pour son bonheur, un voisin connaissait l´un des trois logeurs de quincaillerie. Il s´adressera aux policiers. Les trois bonhommes furent entendus et arguèrent ne pas connaître Abderazak, inconnu et étranger dans Alger. A défaut d´éléments constitutifs suffisants, on accordera la liberté provisoire aux trois suspects. A l´audience, ils ne viendront pas! La présidente décide de tenir le procès tout de même et le jugement sera rendu par défaut! Et dans ce genre de procès, Maître Lamouri devient un maestro. Il adore jouer au torero dans une arène sans... «toros»! Et c´est plus que justement, que l´avocat allait entamer tambour battant une remarquable intervention qui aurait défoncé le cervelet des inculpés. Il réclamera de lourds dommages et intérêts. «Imaginez Madame la présidente. Abderazak arrivant confiant dans le poids lourd prêt à embarquer la marchandise. Et la voilà volatilisée. Le sabre de la loi est heureusement levé et la justice a le bras long pour que ces messieurs viennent payer pour ce qu´ils ont fait», s´était écrié le défenseur, conforté par les demandes de la représentante du ministère public: le maximum de la peine prévue par l´article 376 du Code pénal et le tout appuyé d´un mandat d´arrêt. A l´issue des débats à sens unique et sans résistance, la présidente donnera le verdict sur le siège, un verdict allant en droite ligne avec les demandes du parquet et le désir de la victime de reprendre son bien ou l´équivalent en dinars, car la marchandise a quitté le hangar depuis plus de dix mois et, retrouver, même une seule pièce, relève du miracle d´avril 2011.