Les ministres attendent parfois jusqu'à la prise en charge des problèmes, quitte à ce que cela prenne des années, pour répondre aux questions. Cette scène qui s´est produite jeudi dernier à l´APN, peut paraître anodine mais pourrait chambouler, si des suites lui sont données, le fonctionnement institutionnel. Le ministre de l´Energie et des Mines, Youcef Yousfi, s´est retrouvé à répondre à une question posée il y a trois années à son prédécesseur Chakib Khelil, sur les répercussions négatives d´un projet de carrière de calcaire dans la commune de Ouled Sidi Brahim (wilaya de M´sila). Etant dépassée par le temps, la réponse n´a plus aucune signification. Le député émetteur de la question, Filali Ghouini, du mouvement El Islah, a vivement protesté contre ce retard qui a vidé de sa substance sa question, en perdant toute sa valeur. Prenant acte de cette protestation, le président de la séance a haussé le ton pour rappeler à l´ordre les ministres retardataires. Il a annoncé que les membres de l´Exécutif seront sanctionnés à la faveur d´une éventuelle révision du règlement intérieur de l´APN. Rencontré en marge de la séance plénière, le député d´El Islah a dénoncé cette méthode des ministres d´éviter les questions sensibles et les questions qui fâchent, estimant nécessaire de fixer un délai aux membres de l´Exécutif pour répondre aux questions orales. Actuellement, faut-il le souligner, les ministres n´ont aucun délai contraignant pour répondre aux questions orales des députés alors qu´ils disposent d´un délai d´un mois pour le faire concernant les questions écrites. Confusion en matière de régime politique aidant, les ministres qui reçoivent des questions orales gênantes attendent parfois jusqu´à la prise en charge de la problématique, quitte à ce que cela prenne des années, pour répondre à une question qui sera alors dépassée par le temps. «C´est notre mission de contrôler l´Exécutif», a souligné le député, estimant logique la sanction des ministres qui ne répondent pas à temps aux questions des «élus», ce qui compromet leur crédibilité vis-à-vis de la population. Ainsi, le mépris que semblent subir les députés de la part des membres de l´Exécutif affole enfin les locataires de la chambre basse du Parlement; ces derniers voulant désormais fixer des limites aux ministres. Mais peut-on imaginer, au rythme où vont les choses, une APN en manque de crédibilité, de représentativité et de légitimité, sanctionner un membre de l´Exécutif? Si cela était le cas, la chambre haute du Parlement suivra-t-elle l´APN dans sa démarche? Les membres de l´Exécutif répondront-ils par des représailles, en sanctionnant par exemple les absences des députés à l´APN? Mais le fait que les partis majoritaires dans cette Assemblée ne veulent pas d´un régime parlementaire et d´une séparation des pouvoirs laisse supposer qu´une telle éventualité a peu de chance d´aboutir.Les députés eux-mêmes sont déjà peu soucieux de l´image que reflète leur institution de par son immobilisme et sa soumission. Preuve en est, le phénomène de l´absentéisme qui prend de l´ampleur au fil des semaines et des séances. D´ailleurs, jeudi dernier, les cinq ministres venus répondre aux questions des députés se sont retrouvés devant une Assemblée fantomatique, où seuls quelques députés étaient présents.