Peu d'écrits concernant l'épidémie de la peste ont été légués à l'Histoire. On peut, toutefois, en citer quelques-uns pour se faire une idée de l'étendue du péril, quand il se déclarait. Essayons de combler cette lacune. En effet, dans cet ordre d'idées émergent en premier lieu la Mémoire sur la peste en Algérie de l'historien Berbrugger. La peste en Afrique septentrionale de J.Marchika ouvrage datant de 1927. Quant à l'historien, Charles André Julien, il relèvera que les médecins européens du milieu du 19e siècle à 1927, n'étaient pas mieux outillés que les autochtones pour lutter contre ce fléau. Depuis, et c'est qu'il y a d'étrange dans toute cette affaire, la peste ne hantera plus la mémoire collective sauf à lire La peste d'Albert Camus dont il avait d'ailleurs, situé l'action dans la région d'Oran. L'effort fait par l'auteur de L'Etranger pour dépeindre la peste et ses conséquences, c'est connu aujourd'hui, il en avait puisé les ingrédients dans, outre les travaux de Berbrugger et Marchika, dans un précieux témoignage écrit par le docteur Renaud que ce dernier avait intitulé La Peste de 1799 au Maroc. Et dans différents ouvrages consacrés à cette épidémie. Précautionneux, Camus ne nous parle nullement des vertus de l'huile d'olive sur la peste, alors que Hemsö si... C'est vrai que les dates parlent, quand on apprend à les interroger. Par exemple à propos de la peste le 19e siècle lui a été favorable, ici et ailleurs. Pourquoi favorable? Parce que la médecine qui n'était pas encore sortie du ghetto de l'empirisme aléatoire, se préparait à recevoir le fruit de la recherche scientifique, certes encore embryonnaire, mais que les découvertes de Louis Pasteur en particulier vont accélérer l'efficacité. Peut-on considérer pour autant, que la peste en tant que maladie transmissible, ait été éradiquée en 1929 et que, depuis, c'est la première fois, il y a une semaine, qu'elle a recommencé à faire parler d'elle? Des informations récoltées ici et là, précisent que la peste éradiquée, il y a environ 60 ans, n'a plus reparu sur le territoire algérien depuis. Plus de dix ans séparent le témoignage de 1927 réalisé par J.Marchika et le chiffre de 60 ans, délivré sans doute par une voix autorisée pour ramener les choses à leurs justes proportions. Et c'est bien vrai de l'Algérie car celle dont parlait Albert Camus en préparant sa fiction et celle d'aujourd'hui, un monde les sépare. On connaissait déjà, au début du XIXe siècle avec Hemsö, que «les vertus de l'huile d'olive» avaient un effet bienfaisant sur la peste. Or, depuis la découverte de la pénicilline, à la fin des années 1920, et la découverte grâce à la recherche, de médicaments qu'on appelle antibiotiques, rares sont les maladies microbiennes qui échappent de nos jours au démantèlement par antibiotiques interposés. L'Algérie d'aujourd'hui, dispose non seulement de remèdes en quantités suffisantes, mais également d'équipes de médecins capables d'enrayer n'importe quelle maladie. Ce qui avait choqué les citoyens à peine faite la publication du communiqué annonçant l'existence de quelques cas de peste localisés, dans la périphérie de la ville d'Oran, c'est le décalage entre la situation de l'Algérie qui, désormais, est celle d'un pays émergent et le cauchemar légué aux Algériens par Camus par le truchement de sa fiction. Maîtrisable à coup sûr, l'affaire le sera réellement dans quelques jours à en croire notre ministre de la Santé qui, après une visite éclair sur le site du fléau, en avait conclu qu'il n'y avait pas lieu de s'en faire, les équipes de médecins algériens en viendront à bout, quoi qu'il puisse advenir. Le wali d'Oran que nous avons interrogé par téléphone, nous a répondu, qu'il n'y avait pas lieu de s'en faire. Que demande le peuple après toutes ces confirmations, sinon qu'il fasse preuve de patience pour pouvoir vérifier le bien-fondé et des praticiens qui ont la charge d'éradiquer la maladie et du wali dont les propos ont été plutôt rassurants?