La «Commission Bensalah» a eu à écouter ces derniers jours les propos et propositions de personnalités (politiques, économiques, culturelles...) dont elle a cru devoir recevoir l´avis. Les déclarations faites au sortir de la «consultation» laissent plutôt dubitatif. Que veut-on enfin? D´autant plus que les hommes et les femmes, jusqu´ici consultés, font (faisaient) partie de l´entourage, sinon du périmètre rapproché, du pouvoir. Les voilà toutefois, qui parlent de la nécessité de changer de système ou fonder la deuxième République. Tout cela passe, à la limite, pour de la verbosité dès lors que ceux qui trouvent, maintenant, à redire sur ce système politique, n´ont pas manqué de l´encenser ou, à tout le moins, s´en sont accommodés. L´occasion était pourtant propice de poser la question de l´Etat, sans doute, l´absence d´Etat, qui mena l´Algérie dans l´impasse où elle s´est fourvoyée. De fait, il y a tellement peu d´Etat que même l´application des lois les plus pertinentes de la République peut faire problème. Et ce n´est pas l´aveu, récent, d´un haut commis de l´Etat, qui nous démentira. En règle générale, s´il y a dysfonctionnement au niveau de l´Etat c´est d´abord, eu égard au défaut de qualification de ces hommes que l´on distingue du titre «d´Hommes d´Etat». C´est d´abord, celui-la le problème de l´Algérie. Or, le système algérien tel qu´il est conçu ne crée pas, ne pouvait créer, des hommes d´Etat car l´existence de telles compétences est antinomique avec la philosophie du régime qui gère le pays. Aussi, pour qu´il y ait des hommes d´Etat, il fallait qu´il y ait partage de pouvoir à l´intérieur de l´Etat. Celui-ci aurait été alors fort par ses institutions, fort par les hommes qui le dirigent et le servent, fort également par l´alternance politique qui permet le renouvellement constant de la classe politique au plus grand bénéfice de l´Etat et du pays. Max Weber explique que l´Etat «est avant tout une institution, il est à la fois processus et fruit d´un processus. L´Etat est une institution par excellence, il est issu d´un processus de construction théorique, et est en permanente construction lui-même». (in Le Savant et le Politique). Il est donc faux de juger, comme on le suppose dans certaines sphères politiques nationales, que la stabilité de l´Etat dépend de la somme de pouvoirs affectés au président, mais plus certainement par la cohérence des institutions qui font l´Etat, par leur cohésion et leur aptitude à servir le pays et la population, services à la base de la stabilité et de l´homogénéité de la nation qui, par leurs initiatives d´intérêt général, impulsent le civisme social, marque d´une société apaisée. Aussi, l´Etat ne se réduit ni à son premier magistrat, ni à tels hommes ou tels autres, mais est la résultante d´un ensemble d´institutions qui ne peuvent être efficaces que dans la mesure où une véritable osmose existe entre elles qui sont la marque d´une solidarité nationale de fait. Cette solidarité nationale est l´une des caractéristiques de l´Etat, est la justification de l´existence de l´Etat, lequel est prioritairement un «service public». Donc, l´Etat c´est l´ossature d´un ensemble de paramètres qui font que des hommes se regroupent et forment une société qui délègue à certains d´entre eux de diriger la société devenue nation en créant des normes et des règles à respecter et à faire respecter. Dans une société moderne donc, aucun homme ne peut prétendre être à lui seul l´alpha et l´oméga de l´Etat. De fait, le système de délégation de pouvoir est aujourd´hui la norme dans les sociétés modernes et dans les pays démocratiques. Aussi, le pouvoir est considéré comme ouvert - démocratique - lorsque ceux qui le détiennent remettent leur mandat au peuple qui le leur a confié. C´est seulement dans ce contexte de construction d´un Etat moderne - avec le leitmotiv de servir le pays et l´Etat - que naissent les Hommes d´Etat qui font tant défaut à l´Algérie.