Le chanteur chaoui Massinissa, s´est produit jeudi dernier à la grande salle de spectacles de la Maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. Sa prestation a été tout simplement magnifique et a subjugué le public. Massinissa a donné le meilleur de lui-même, d´autant plus que c´est la première fois qu´il se produit dans la ville des Genêts. Ce spectacle entre dans le cadre de la semaine culturelle de Batna à Tizi Ouzou. Avant de monter sur scène, Massinissa, de son vrai nom Chibane Ali, originaire de Merouana dans les Aurès, nous a accordé un entretien. L´Expression: Pourquoi avoir attendu tant d´années pour vous produire à Tizi Ouzou et quel est votre sentiment d´être ici? Massinissa: Tout simplement, c´est la première fois que l´occasion se présente. Je n´ai jamais été invité ici. Normalement, j´aurais dû chanter à Tizi Ouzou depuis longtemps. Quant à mon sentiment, cela fait longtemps que j´attends cette occasion. Je suis très heureux. Je vais saisir cette opportunité pour laisser mon empreinte à Tizi Ouzou. Je souhaite que le public soit également satisfait. En tant qu´artiste chaoui, vous ne cachez pas votre engagement pour la langue et la culture amazighes. Que représente pour vous la région de Kabylie qui a milité pour cette cause? Je respecte beaucoup cette région. Elle a donné de grands militants à la cause berbère qui ont lutté pendant des décennies, avant même que je ne naisse. Nous sommes nouveaux dans le militantisme amazigh et ces aînés constituent des repères pour nous. Ce qu´ils ont donné à la culture amazighe est immense. Durant les années 1990, la chanson des Aurès d´expression chaouie a connu une éclosion, mais on assiste ces derniers temps à un net recul, notamment avec la conversion des chanteurs chaouis à l´expression arabe. Qu´en est-il? Cette régression s´explique par plusieurs facteurs. Le premier responsable est l´artiste lui-même. Un artiste qui est dépourvu d´un bagage culturel ne peut pas mesurer l´importance de l´amazighité et de l´histoire. Il ne peut, de ce fait, pas militer. Il n´a aucune information sur notre pays et son histoire ancienne. Quand j´ai commencé à chanter, je me suis beaucoup intéressé à la connaissance de notre histoire en côtoyant des personnes en mesure de me transmettre des données. C´est ce qui m´a permis de rester fidèle à la chanson d´expression chaouie et militer pour la langue et la culture amazighes. D´autres chanteurs des Aurès ont choisi un autre chemin en décidant de chanter en arabe. Actuellement, il ne reste pas beaucoup de chanteurs qui s´expriment en chaoui. Il y a notamment Jemmy Mazigh et Joe ainsi que des jeunes artistes qui sont sur la bonne voie. Il y a des chanteurs qui ne pensent qu´au commerce. Selon vous, pourquoi certains chanteurs commencent par chanter en chaoui, puis changent de langue? Le but est commercial. Il ne faut pas trop tourner pour le constater. Ils se disent: «Au lieu de chanter en chaoui et n´être écouté que dans les Aurès, pourquoi ne pas chanter en arabe pour avoir un public partout». Mais, ils font de faux calculs, parce qu´ils ont chanté en arabe et ils n´ont pas atteint ce but. Je chante en chaoui et je suis écouté mieux qu´eux. J´ai un public partout en Algérie. Je me suis produit dans des régions où, eux, n´ont jamais chanté, aussi bien en Algérie qu´à l´étranger. Et partout où je me produis, je chante exclusivement en chaoui. Pouvez-vous nous citer quelques régions où vous avez animé des spectacles? J´ai chanté en Belgique, en Suisse, en Tunisie... En Tunisie, malgré qu´il y eut sur scène des stars comme Zehouania, Rabah Asma, Hamidou, mais mon passage a été fortement apprécié par le public. Ce dernier est venu à la fin du spectacle pour me poser plusieurs questions sur ma région et sur mon style. Qu´avez-vous à dire sur Katcho? Katcho était un ami. Je l´ai rencontré à Marseille quelques semaines avant son décès. Il se comportait avec moi d´une manière dont je n´étais pas habitué. Il était très affectueux à mon égard, plus que d´habitude. Je me rappelle, c´était au mois d´avril. Il s´était beaucoup rapproché de moi. Il me contactait plusieurs fois. Sa mort m´a beaucoup touché. C´est une grande perte pour la chanson chaouie. Katcho était parmi les premiers qui ont commencé dans la chanson chaouie. Est-ce qu´il y a un grand public de la chanson chaouie? Bien sûr. La chanson chaouie a des fans qui pleurent quand je chante sur scène. Parfois, moi-même je n´en crois pas mes yeux en voyant un public aussi magnifique. Une dernière question. Comment vous est venue l´idée d´adopter le nom artistique de Massinissa? Ce n´est pas mon idée. En 1992, j´étais dans un groupe qui s´appelait Massinissa. C´est l´un de nos musiciens qui a eu cette idée quand nous cherchions un nom pour le groupe. Nous avions produit deux albums, puis après le groupe s´est séparé. Je suis resté seul. J´ai continué à chanter. Quand j´ai enregistré mon premier album en solo, je discutais avec mon éditeur sur le nom à mettre et c´est ce dernier qui a suggéré celui de Massinissa.