Faire partie du mouvement de l'Histoire ne signifie pas copier mécaniquement ce qui se passe chez les voisins. Les réformes politiques annoncées par le président de la République ont fait, hier, l'objet d'une conférence-débat animée par deux éminents professeurs de sciences politiques au siège du Centre de recherche sécuritaire et stratégique (Crss) à Ben-Aknoun (Alger). De prime abord, l'ex-doyen de la faculté des sciences politiques et de l'information, le Pr Mokhtari Lazreg s'est interrogé sur l'objectif des ces réformes. Est-ce que ces dernières relèvent réellement d'une volonté politique de l'Etat? Ou s'agit-il d'une démarche qui vient répondre à des données d'ordre régional et international? Car, selon lui, les réformes ne s'inscrivent pas dans l'agenda des autorités algériennes. Néanmoins, elles sont dictées par les changements intervenus dans le Monde arabe. Les pressions des Occidentaux à l'égard des pays arabes de passer à des réformes, ouvrant la voie à «la démocratie» longtemps réclamée par les peuples, sont également à l'origine de ces réformes. Catégorique et affirmatif, l'ex-doyen de la faculté des sciences politiques et de l'information a soutenu que ces réformes sont, par voie de conséquence, une nécessité, mais pas un choix politique. Selon le politologue, ces réformes ne reflètent pas la demande de la rue algérienne. Mais, elles viennent refroidir plutôt les tensions et arrêter un éventuel tsunami social, qui risque de s'inscrire dans la foulée des évènements se déroulant, aujourd'hui, dans le Monde arabe. Et de poursuivre: «De Bahreïn à Marrakech, les citoyens demandent le départ de leurs régimes qui se sont perpétués. Donc, les réformes visent à pérenniser les régimes en place, mais elle ne représentent pas l'expression des peuples». Le Pr Abd El Kader Mahmoudi, chercheur et enseignant à la faculté des sciences politiques et de l'information, jugera, quant à lui, qu'il faut faire de la démocratie une priorité dans le cadre des prochaines réformes. Néanmoins, selon lui, il faut qu'il y ait au préalable une liberté. Car, a-t-il fait remarquer, il ne pourrait y avoir de démocratie sans liberté. «La démocratie est l'ense-mble des interactions centrées autour de paradigmes, visions et conceptions. Elle renferme les valeurs qui permettent au pays progrès, prospérité et épanouissement. Une démocratie synonyme d'idées, de débats féconds portant sur l'intérêt suprême du pays», a-t-il affirmé, estimant que pour donner du tonus aux réformes, il faut opter pour la démocratie fonctionnelle, synonyme de multipartisme, de liberté de la pensée et de la liberté individuelle. Et de poursuivre qu'aujourd'hui les perceptions que nous nous faisons du rôle de l'Etat dans son rapport à la démocratie ne sont pas clarifiées, et cela empêche, évidemment une dynamique démocratique. Selon le politologue, il faut faire de la démocratie une culture, qui insiste sur le rôle, la fonction qu'elle exerce dans la pratique. Donc, pour le Pr Abd El Kader Mahmoudi, la pratique démocratique est la condition sine qua non pour sortir enfin, du vieux carcan de la démocratie de façade et des dysfonctionnements caractérisant notre mode de gouvernance ainsi que de l'incohérence dans le fonctionnement des institutions. Et d'ajouter, dans le même contexte, que de la première ouverture démocratique que l'on a traversée, on peut en tirer beaucoup de leçons. Le tout à la fois mène, a-t-il précisé, à l'anarchie et à l'échec de la gestion. «Les processus démocratiques se construisent sur le long terme. C'est d'abord, une question de culture. Chaque société a sa propre culture et sa vision de la démocratie, a-t-il indiqué, relevant que faire partie du mouvement de l'Histoire ne signifie pas copier mécaniquement ce qui se passe chez les voisins et notre histoire récente a montré les limites sanglantes des aventures que l'on engage la fleur au fusil et que l'on termine sur un champ de ruines», a conclu Abd El Kader Mahmoudi.