Kaddour M'Hamsadji dédicaçant son livre Le Petit café de mon père sur le lieu même de son inspiration Sur le mont dirah (1810 m), les anciens ont rappelé le souvenir sacré de la Révolution et les jeunes ont chanté l'hymne national Qassamen. Sous le soleil d'une clémente ardeur de ces journées des 4 et 5 juillet 2011, la population de Soûr El Ghouzlâne (wilaya de Bouira) a participé à une série d'activités autant extraordinaires qu'exceptionnelles mêlant histoire et culture, ponctuant heureusement des festivités organisées par les autorités locales pour célébrer le 49e anniversaire de l'Indépendance. Parmi les nombreuses manifestations axées sur le souvenir des faits de la Révolution, des chouhada et de l'héroïsme des moudjahidine, le recueillement citoyen a été remarquable par son intensité et surtout par le ferme espoir d'une prochaine mise en oeuvre des projets de développement de la ville en faveur de la population et tout particulièrement des jeunes. Il faut aussi citer, par exemple, les espaces ouverts pour des expositions instructives: Musée de l'armée de Libération (fondé par le moudjahid El Hadj Mohamed Saïki), le Centre de l'association pour l'histoire de la wilaya, le Cercle des moudjahidine,... De même, de nombreuses portes ont été ouvertes au public (complexe sportif, Maison des jeunes, salle des fêtes...) pour la représentation de pièces de théâtre par de jeunes comédiens amateurs et des saynètes animées par des clowns pour enfants, de petites chorales, des troupes de musiciens et de danseurs, de récitals de poésie populaire, de projection de films (Çamt er-ramâd), etc. D'autre part, dans la matinée du lundi 4 juillet, une rencontre spéciale a été organisée, par le poète Omar Boudjarda - maître d'oeuvre des festivités et animateur en la circonstance -, entre l'écrivain Kaddour M'hamsadji et son public de Soûr El Ghouzlâne sur le lieu même d'inspiration de son nouvel ouvrage: Le Petit café de mon père, édité à l'OPU. Cette rencontre a été riche en échanges culturels et forte en signes de fidèle amitié, un moment très émouvant pour l'auteur comme pour la grande foule de ses admirateurs et de ses lecteurs avides d'acquérir ses ouvrages, et spécialement ce dernier. L'auteur a été littéralement comblé de félicitations, d'embrassades, de remerciements et d'encouragements afin qu'il continue d'évoquer dans ses écrits leur chère ville natale. Les festivités ont atteint le sommet du bonheur offert aux citoyens de Soûr El Ghouzlâne, lorsque dans la matinée de mardi 5 juillet, les hautes autorités de la ville et de la wilaya, précédées ou suivies par des cortèges de véhicules bondés d'hommes, de femmes et d'enfants, en quelque sorte en groupes successifs, ont formé une singulière procession, serpentant en longue montée sur le flanc du Mont Dirah et découvrant les splendeurs d'un paysage mirifique inédit. Au sommet, au point 1 810 m, une plate-forme a été aménagée, sur laquelle a été érigée, à l'initiative du moudjahid El Hâdj Mohamed Saïki, la stèle en hommage aux Chouhada de Soûr El Ghouzlâne et sa région. Par son seul effluve, ce monument incite les visiteurs à évoquer les martyrs et les combattants vivants de la Révolution. Toute proche, une magnifique et vaste tente traditionnelle a été dressée pour accueillir les grands citoyens de la ville et les officiels. Ce monument au Martyr, Maqâm ech-Chahîd est abondamment pavoisé aux couleurs nationales. Orné de colonnes et d'arceaux, il est à l'entour impeccablement agrémenté de carrés de parterre fleuris. Et pendant que l'on joue des musiques du folklore, qu'une troupe en costumes de fête danse et que des cavaliers tirent à plusieurs reprises à la carabine, arrivent, sous des suites de youyous stridents et encadrés de jeunes scouts, le long de l'allée montant vers le Maqâm ech-Chahîd, les moudjahidine et d'importantes personnalités de la ville et de la région. On remarque la présence du wali de Bouira (Ali Bouguerra), du chef de daïra (Ahmed Labidi), du président de l'APC (Rachid Abdat), du général d'Armée (Kamel Abderrahmane). Aussitôt, commence la cérémonie officielle devant le Maqâm ech-Chahîd avec le chant et la musique de l'hymne national. En cet instant précis du recueillement général, les souvenirs émergent de la mémoire intacte des citoyens passionnés de leur ville et de leur pays. Bien sûr, on se répète le nom des hommes, des femmes et des enfants, les Chouhada, les combattants, les militants,... et l'on n'oublie pas cet homme - oui évidemment, l'auteur du texte poétique, le chantre de la Révolution, le grand militant nationaliste, Moufdi Zakaria (1908-1977), ni Mohamed Fawzi (1918-1966), auteur de la composition musicale de Qassamen -, on n'oublie pas, surtout ici même sur Dirah, cet homme nommé Lakhdar Rebbah (1917-1989). «Cet homme, affirment Bechichi et Benhamida (in Historique de l'épopée du chant Qassamen, éd. Alpha, Alger 2009, p. 104), a joué un rôle central dans la réalisation de Qassamen et de nombreuses et délicates missions. Il est natif de la ville de Soûr el Ghouzlâne (Le rempart des gazelles) d'où il tient son nom de guerre Ghazal. [...] Dans sa jeunesse, il pratique le football dont il est amateur. [...] Avant même la naissance de l'Organisation spéciale, il utilise comme cachette d'armes pour la résistance l'appartement de deux pièces, en face du stade du 20-Août, et qu'il hérite de son père. L'une des deux chambres sert de refuge au militant Abane Ramdane dont il fait la connaissance en 1955. Sa rencontre, en compagnie de Ben Youcef Benkhedda, avec Moufdi Zakaria, est le prélude à la formation d'un solide réseau de soutien à la Révolution par les frères mozabites. Il est arrêté le 12 avril 1956 au domicile de Moufdi Zakaria à Kouba (Alger) et n'est libéré qu'après le cessez-le-feu. [En avril 1964] Il se consacre à ses activités personnelles jusqu'à sa mort en 1989 à Alger, où il sera inhumé.» Tandis que l'on termine l'hymne national, le trop de l'émotion s'exprime: une larme s'échappe du coin de l'oeil, le regard est flou, l'esprit se forme de nouveau, l'estime de soi grandit avec humilité. Combien d'hommes libres ont pu, avant ce jour de souvenirs glorieux, monter jusqu'à 1 810 m? Héroïsme culturel ou curiosité touristique? Qu'importe, il faut là aussi quelque courage au coeur citoyen! La fête se poursuit encore pendant quelques minutes, on offre des boissons fraîches et l'on remet des cadeaux d'honneur à des invités. La cérémonie se termine par l'admiration du panorama: c'est de là, de Dirah, que probablement le vaillant combattant Mohamed Ben Abdallah Bou Maza (comme le célèbre résistant de Chleff) a pu observer les mouvements du général Marey qui est resté quelque temps à Soûr El Ghouzlâne pendant l'année 1845, avant la création du cercle d'Aumale en 1846; là-bas, c'est Dechmya, Raouraoua, El Hâchimiya, Aïn Bessem,... plus loin, au nord-est, Bouira, chef-lieu de wilaya. L'Histoire est sous nos yeux, sa profondeur est vertigineuse. C'est impressionnant, le bonheur d'être libre! Et quand le bonheur est mêlé de culture, il atteint les plus hautes émotions. Deux jours à Soûr El Ghouzlâne inoubliables! Que la fête de la liberté et de l'honneur demeure de génération en génération! Que se reconstruisent et l'homme et sa dignité par la sagesse, l'instruction et la volonté! Si Dieu veut et Dieu le veut, puis quand l'homme veut et l'homme le veut!...