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ENTRETIEN AVEC KADDOUR M�HAMSADJI AUTOUR DU PETIT CAF� DE MON P�RE
��crire est une objection lib�ratrice�
Publié dans Le Soir d'Algérie le 25 - 06 - 2011

Saura-t-on gr� � Kaddour M�hamsadji de tenter dans son dernier ouvrage Le Petit caf� de mon p�re (Alger, OPU, 2011) une nouvelle exp�rience d��criture litt�raire qui r�sume une entr�e en litt�rature par la voie la plus �troite, celle qu�il prend soin de d�signer sous le vocable de �r�cits au pass� ? Cette plong�e � sans masque ni artifices � dans le monde des souvenirs et des sensations, cette transcription s�re de la m�moire, constitue une d�marche � pour ne pas �voquer ici un genre � peu courue dans la litt�rature alg�rienne, pleine d�audaces et de m�rites. Audaces soulign�es par la ma�trise d�un discours du �Moi� dont l�auteur sait surmonter les fragiles propensions � l'�gotisme ; m�rites nombreux, entre autres, cette r�appropriation et cette �l�vation � la dignit� litt�raire d�une authentique et surprenante cit� d�Alg�rie, So�r El-Ghouzl�ne, aux pierres charg�es d�histoire, aux �ges qui d�fient le temps.
Est-ce l� le somptueux art de l�auteur de retrouver et de rappeler cette ville aux noms qui arpentent des paysages de lointaine ressouvenance, dans des histoires qui ne furent pas toujours qui�tes ? Pense-t-on � ces �poques nues d�avant la fondation romaine de la cit�, � cette Auzia o� va s�arr�ter longuement Augustin dans son p�riple formateur en Afrique proconsulaire, de la Byzac�ne � la Maur�tanie c�sarienne ? Et � So�r El-Ghouzl�ne, � l�ombre de principaut�s arabes tut�laires et d�un r�gne ottoman inassouvi, renomm�e Aumale, centre de colonisation fran�aise, comme pour accuser les sautes de destins imp�tueux. Le regard de Kaddour M�hamsadji pacifie ces cultures import�es dans les marges d�une cit� mill�naire. Dans la conception de leur ville, les architectes de So�r El-Ghouzl�ne l�ont ceinte de remparts creus�s de plusieurs portes, comme pour en faire doublement et m�taphoriquement le centre et l�ouverture du monde. L�auteur en prend-il son parti dans la construction narrative de son r�cit ? Dans cet entretien, Kaddour M�hamsadji apporte d�utiles �clairages sur le projet litt�raire qui a soutenu Le Petit caf� de mon p�re et sur le travail de l��crivain, plus pr�cis�ment l�invention d'une �criture m�morielle, en v�rit� toujours impr�visible, � michemin entre l�autobiographie et la fiction. Il ne rejette aucune des difficult�s de l�entreprise, qui a consist� � mettre en mots une prestigieuse cit� de l�arri�re-pays et � interroger, � travers son itin�raire et celui de sa famille, les topo� d�une m�moire, qui ne manque ni de passion ni d��motion, qui reste � la mesure du grand �uvre.
Le Soir d�Alg�rie : Si Kaddour M'hamsadji, vous vous �tes � assez t�t � confront� au th��tre, � la po�sie et au roman. Vous avez aussi publi� des essais et une relation de voyage et vous �tes un critique litt�raire f�cond. Comment s'est impos� � vous comme projet litt�raire ce double remembrement de la m�moire personnelle � et familiale � et de la m�moire collective de la cit� mill�naire d'Auzia- Aumale-Sour El-Ghouzlane ?
Kaddour M�hamsadji : Oh ! c�est toute une histoire, et une histoire tr�s sp�ciale. Je consid�re qu�il y a l� comme une sorte de lien charnel, mais tout int�rieur, entre la personne humaine et la cit� objet non inerte, comme deux �mes qui s�interpellent : la mienne et celle de la cit�. L�origine de ma famille remonte, si je puis dire, �au-del� de la nuit des temps, tout comme ma ville natale� je pense � la romaine et au lieu o�, probablement sous une autre configuration, bien avant seize si�cles av. J.-C., existaient aussi une autre vie, d�autres vies... Mais peu importe, je jouis d�une chance que la mythologie populaire � quelque bizarres qu�eussent �t� sa forme et sa signification et que, �videmment, j�ignore et que, de toute fa�on, je ne renie pas, ne prodigue pas tous les jours ! Que de choses sur cette relation, cette filiation, cette union des �mes, Auzia-So�r El-Ghouzl�ne-Aumale-So�r el Ghouzl�ne, ma famille et moi-m�me, j�aurais � vous dire ! Je dois tout � mes parents et � ma ville natale : parler de moi, c�est parler de mes racines, et j�essaie de trouver en moi ce qui me prot�ge contre ce qui me para�t �trange et qui n�h�site pas � me d�naturer. Vous l�avez certainement constat� : dans mes �crits, je mets cette sorte de douce fatalit� sans aucun regret ; et j��prouve davantage de jouissance lorsque dans ma m�moire jaillit une fulgurance, tel un envol spontan� d�une mouette d�El-Qa�ba, zem�n, pour une randonn�e au c�ur de cette Cit�-M�re de la grande histoire de notre pays unique, irrempla�able. Ma m�re avait, je pense, raison de dire en ce sens : �Qadd ma takbar el �ayn, el h�djab fo�q-ha. (tant l��il s�agrandit, tant le sourcil est au-dessus). � Quelle allusion pleine d�esprit ! Quelle �nigme porteuse d�enseignements, cela a �t� longtemps pour moi : �tre n� dans cette ville Auzia-Sour El Ghouzl�ne- Aumale-So�r El Ghouzl�ne et dans cette famille aux origines alg�roises nettement marqu�es par l�histoire, c�est mon meilleur argument de citoyen alg�rien contre la s�cheresse du c�ur et la pauvret� de l�esprit. Je ne veux point douter encore que l�on soit assez rassasi� de l�estime des autres si l�on ne l�est pas soi-m�me avant tout !
Ce retour � So�r El-Ghouzl�ne se place sous les signes du filial et de la pi�t�. En quoi l'�criture de la souvenance � qui reste toujours un pari difficile et risqu� sur le plan litt�raire � a �t� singuli�re dans Le Petit caf� de mon p�re ?
Mes souvenirs anciens se sont constitu�s et fix�s dans ma m�moire � mon insu et ont �merg� � mon insu ; il a suffi que je passe un beau jour devant le petit caf� de mon p�re que je n�avais pas revu depuis une trentaine d�ann�es au moins. Tiens ! me suis-je dit, le petit caf� de mon p�re. Quel joli titre pour un livre !... Des reflets de l�enfance ont jailli de ma m�moire, riches, fid�les, extraordinairement vivants... D�embl�e une �criture � caract�re tr�s personnel s�est impos�e � moi ou, peut-�tre, l�ai-je moi-m�me pr�d�finie ? Peut-�tre... Tirer de mon inachev�e exp�rience d��crivain, un inhabituel proc�d� d��criture ? Pourquoi pas ? Mais lequel ? Et comment ? Reprendre ces reflets et les ordonner autour de r�cits au pass� en toute libert�, il n�aurait pas � cela d��gal bonheur. En effet, je suis � l�aise quand je choisis �l�expression libre� ; je le suis moins quand j�opte pour �la libert� d�expression�. Sans doute y a-t-il, entre ceci et cela, une nuance de signification aussi fine que le caract�re typographique appel� barre oblique (/) que l�on mettrait entre les deux syntagmes cit�s ; il y a, plus exactement, un rapport de pertinence assez bien sensible qui valorise la nette diff�rence d�intention suppos�e dans l�un et l�autre groupe de mots. Quoi qu�il en soit, et plus simplement, �crire est une objection lib�ratrice. Aussi, mon intention �tait-elle d��crire librement �des r�cits au pass� ; autrement dit, la narration est �en situation� tant qu�elle remplit la fonction de �rapport sur� des faits concrets. C�est pourquoi, me semble-t-il, ce genre de r�cit est quelque chose de diff�rent du genre autobiographie classique, ce n�est pas �raconter des souvenirs d�enfance � �gren�s sur plusieurs pages li�es comme sont enfil�s, si j�ose dire, les grains d�une sabha, le chapelet musulman... En cons�quence, donner une forme litt�raire � de tels r�cits, c�est �videmment une gageure, un probl�me que l��crivain se pose � lui-m�me d�abord, � son lecteur ensuite. L�un et l�autre install�s s�par�ment dans leur solitude, le premier r�vant et �crivant, le second lisant et se souvenant de son propre pass�, � quel est le �juste lien� qui les am�nerait � vivre ou � revivre la m�me destin�e ? Quelle est la fonction d��crire dans ce genre de litt�rature, sp�cialement ici dans ce livre Le Petit caf� de mon p�re ? Ma pens�e �maternelle� est constamment en concurrence, souvent en opposition, avec ma langue d��criture, la langue fran�aise historiquement adapt�e-adopt�e comme support � ma pens�e �alg�rienne�. Ce n�est pas simple de mettre en correspondance �ma pens�e� que j�exprime et �la langue �trang�re� que j��cris en lui faisant dire �ma pens�e�. Dans un tel contexte d��criture, j�ai pris conscience de la difficult� extr�me d��prouver, ici et l�, totalement le m�me sentiment d��tre moi-m�me. Par exemple, comment traduire au vrai mon langage affectif sans craindre de le d�naturer dans la langue apprise � l��cole coloniale ? Alors l�amour filial et aussi l�amour tout court, et bien s�r ma pi�t�, ont subi, sur le plan �litt�raire�, une organisation linguistique appropri�e � ce contexte, c�est-�-dire la plus accessible possible � tous les lecteurs... Oui, vous avez raison, tout au long de la r�daction du Petit caf� de mon p�re, j�ai eu bien des moments d�angoisse, par exemple : me perdre dans une narration inint�ressante, risquer de me faire violence inutilement en donnant � para�tre tel que je ne suis pas ou tel que je suis en toute modestie. Et � chaque fin de chapitre, explose en moi une vague de d�couragement : Ah ! quelle torture permanente ! Que va-t-on penser de moi : ma famille, mes amis, mes proches ? En litt�rature, peut-on se tenir sur la r�serve ? Existe-t-il une �pruderie litt�raire� ? Comment la reconna�t-on ? Est-ce quand l�auteur peine � �crire avec sinc�rit� une r�alit� qu�il voudrait mettre au niveau du bonheur que procure le feu sacr� d��duquer et instruire la jeunesse ? Peut-�tre n�est-ce plus cela une intention � fut-elle sottise apolog�tique � mais une pr�tention ? Le lecteur est seul juge... Oui, oui, �l��criture de la souvenance est toujours un pari difficile et risqu� sur le plan litt�raire�. Vous avez raison.
A So�r El-Ghouzl�ne, vous �voquez un ressourcement de l��criture qui tient � la fois de la magie, du panth�isme et de la foi. C�est tout cela le mont Dirah, bivouac de jeunesse et propitiatoire �veil � la litt�rature ?
Dans votre question, vous avez ma r�ponse. Merci d�avoir relev� ce que je n�aurais certainement pas mieux r�sum� que vous... Djebel Dirah est fascinant par son physique massivement �lev� et �tal� ; c�est un anc�tre figur� : une t�te au port digne, aur�ol�e de glorieuses l�gendes populaires ; une forme de corps assis, envelopp� d�un burnous � la couleur de chaque saison, aux ailes largement �tendues sur les vastes versants de son relief. Quel �ge a cet anc�tre ? Dieu seul sait. Je n�en dirais rien ; je suis assez �superstitieux � pour me hasarder au jeu de la divination et pas du tout instruit et form� pour expliquer les caract�ristiques physiques de ce relief. Djebel Dirah n�est une divinit� pour personne et personne ne lui sacrifie quoi que ce soit pour obtenir de lui une faveur. Dans l�imaginaire populaire, dans la po�sie, dans le mad�h, dans le chant �pique, parce qu�il est per�u comme tel, djebel Dirah est le symbole de la puissance, du r�ve, de l��ternit�, de la beaut� des saisons : splendeurs des neiges au sommet et sur toute la cha�ne des collines, des campagnes et des agglom�rations ; prairies et for�ts verdoyantes ; canicule et moissons vitales et g�n�reuses fra�cheurs altern�es ; et puis la derni�re saison ferme la marche de l�ann�e avec sa musique qui accompagne nos humeurs... Permettez-moi de sourire : vous voyez bien pourquoi j�ai pu ainsi �tre r�veur � So�r El-Ghouzl�ne que veille Dirah, l�anc�tre incontestable, et �tre pr�dispos� � comprendre et � aimer les images et les sentiments de la po�sie apprise � �l��cole europ�enne� et � essayer d�aller au-del�, c�est-�-dire �tre un r�veur d�un id�al personnel. Je dois dire que nous �tions plusieurs camarades � concevoir ce r�ve et � le vivre s�rieusement en grands gar�ons...
ll y a dans Le Petit caf� de mon p�re une topos�mie de So�r El-Ghouzl�ne. On ressent combien la ville s�est construite � et projet�e � sur les s�dimentations de l�histoire. La r�partition de ses espaces constitue un trac� de fronti�res de plusieurs villes avec leurs remparts et leurs portes typiques. Estce que cette intelligibilit� de la cit� est toujours lisible dans So�r El-Ghouzl�ne d�aujourd�hui ?
Vous savez la ville parle : h�las ! peu de personnes l��coutent, peu la comprennent et elles n�en peuvent mais beaucoup feignent d�ignorer son existence, beaucoup la maltraitent et beaucoup lui font mauvaise r�putation. Pourtant, So�r El-Ghouzl�ne a servi la R�volution, a servi et ne cesse de servir la culture alg�rienne. Qu�� cela ne tienne, de tout temps c�est le �Je t�aime moi non plus� entre la ville et les jeunes de ses populations qui se sont succ�d�. Alors, depuis un demi-si�cle, So�r El-Ghouzl�ne incline � confirmer, � l�envi, le m�chant sobriquet qui a couru � l��poque coloniale �So�r El-F�r�ne, le rempart des souris� (�a on sait pourquoi) et qui semble courir encore de nos jours !... Or, qui depuis des d�cennies a progressivement enlaidi la ville ? Qui lui a fait perdre l�historicit� de son charme patrimonial ? Voyez l��tat de ses vestiges cultuels (dont el-masdjid el�At�q, l�ancienne mosqu�e �difi�e extra muros par la population en 1753) et culturels (dont la salle des f�tes), ses monuments antiques (t�moins de la splendeur d�Auzia). Voyez son rempart construit en pierre de taille, ruin�, ses portes monumentales dont ne restent, dans un �tat pitoyable, que B�b ed-Dz��r (la porte d�Alger), B�b Bo�-Sa��da (la porte de Bou- Sa�da) et B�b St�f (la porte de S�tif) appel�e aussi B�b el-Gort (la porte aux fourrages)... Certes, aujourd�hui, la ville s�est d�velopp�e au-del� du rempart. N�anmoins, s�il y a, ici et l�, quelques belles surprises (jardin, b�timents administratifs, �tablissements scolaires, le mus�e de l�ALN de So�r El-Ghouzl�ne dans la propre maison de son fondateur, le moudjahid el-h�dj Mohamed Sa�ki,...), il n�y a point de librairie digne de ce nom ! Point de grande biblioth�que municipale ! Point de th��tre ! Point de salle de conf�rences ! Point de rencontres culturelles ! Point d�h�tellerie ! Point de tourisme !... Un signe de d�solation est dans toutes les figures qui ch�rissent leur ville.
Dans votre r�cit, vous superposez comme dans un palimpseste les diff�rentes �poques d�Auzia-So�r El-Ghozl�ne- Aumale. Est-ce une lecture intime de la ville, r�v�l�e en ses insondables figures (numide, romaine, arabe, turque, fran�aise, alg�rienne), qui subsiste dans votre imaginaire ?
Je le suppose, puisque je me suis efforc� de restituer avec la fid�lit� scrupuleuse de l�historien � mais non professionnel, quand m�me � et la fiert� de narrateur esp�rant d�tenir un th�me �ducatif et litt�raire � en faire conna�tre au lecteur la finalit� intime : ce que l�enfant que je fus pouvait savoir de l�histoire de la r�gion. Il est normal aussi, je pense, que je devais apporter quelques corrections � ma vision d�enfant d�autrefois. En tout cas, j�ai d�crit, tour � tour au mieux de l�int�r�t des r�cits, les diff�rentes �poques, effectivement la numide, la romaine, l�arabe, la turque, la fran�aise. Cependant, je crois avoir conserv� l�essentiel de la fra�cheur de la vision, de la pens�e et de l�expression juv�niles. Sinon pourquoi n�ai-je pas �crit un roman ? L�indication �R�cits au pass� plac�e sous le titre n�est pas �R�cits du pass�, et cette indication n�est pas neutre. Elle souligne qu�il s�agit bien d�une lecture tr�s personnelle de la ville, mais une lecture qui n�est ni celle d�un ignorant ni celle d�un na�f. Mon jeune personnage, � chaque �tape de son �volution psychologique, s�affirme, se confirme et continue de se d�velopper aux c�t�s de ses camarades et surtout aux c�t�s des adultes. C��tait la Seconde Guerre mondiale et c��tait une �poque d��veil � l�id�al national alg�rien.
Autant vous revendiquez So�r El- Ghouzl�ne comme un espace originel formateur, autant vous apparaissez comme un Alg�rois, dans l'inalt�rable tradition de la Casbah que vous avez remarquablement transcrite. Comment avez-vous v�cu et inscrit dans votre itin�raire intellectuel ces h�ritages familiaux ?
Je dirai tout simplement ceci : souvent, je m�le spontan�ment les richesses acquises dans le milieu familial l� o� je me trouve, dans l�instant o� je m�exprime, que je parle ou que j��crive. Et quand il faut �tre �authentique�, l� o� je me trouve, dans l�instant o� je m�exprime, que je parle ou que j��crive, tout naturellement je suis So�r� (de So�r El-Ghouzl�ne) ou Dz�r� (d�Alger). Le langage oral ou le langage �crit ob�it � la situation donn�e, et l�expression (y compris l�accent et, si n�cessaire aussi � l��crit une transcription phon�tique est envisag�e) s�adapte � l�objet de la communication. Et ceci me permet d�ajouter que je ne suis pas de ceux qui contr�lent le langage de l�interlocuteur pour former mon estime pour lui. Il y a une arch�ologie du parler authentique pour une communication authentique. Je suis moi, toujours moi, dans mes �crits, que je transcrive So�r El-Ghouzl�ne ou que je transcrive El Qa�ba, zem�n, La Casbah, autrefois ; il y a un �quilibre sans regret, sans subordination non plus... Cette �ressource humaine�, que je crois avoir en moi, a �t� � est encore, du moins, je le suppose � une superbe excitation pour ne pas rater ma communication. Il n�est pas diff�rent pour vous de marquer dans Le Petit caf� de mon p�rela pr�sence d�une multitude de personnages qui r�sument une sorte d�histoire qui n�est plus celle de la cit�, mais la v�tre. Du saisissant portrait de votre p�re � la description � presque feutr�e � de votre �cole, de vos ma�tres et de vos compagnons de jeux et jusqu�� cet incroyable illumin� qui censure et tance ses coreligionnaires, il y a une surimposition de l��criture romanesque sur celle de la m�moire. Certainement. La m�moire restitue des images et des sons, mais non ce que j�appelle leurs �effets vivants�. Chaque �crivain porte en soi une somme de proc�d�s pour reconstruire l�univers de l�enfance, de ce qui a �t� vu ou entendu dans le pass�, et le r�activer dans un univers �labor� par l�imaginaire de l�adulte. L�exacte ressemblance est difficile � atteindre ; elle n�est jamais atteinte : j�ai utilis� les �tres et les choses, moi-m�me tout soumis aux effets s�duisants (ou provocateurs, c�est pareil) au motif que leur illustration particuli�re affirmerait la v�racit� de ma narration. Mes personnages d�autrefois auxquels vous pensez s�animent certes de la propre vie de mon enfance, l�adulte que je suis, qui r�ve et �crit, c�est maintenant lui qui transpose les faits et gestes des personnages et les met en sc�ne. Vous savez, plac� au tout d�but du Petit caf� de mon p�re, mon court avertissement aux gens de So�r El-Ghouzl�ne n�est, � vrai dire, pas tout � fait neutre. Ne les ai-je pas assez avertis par ceci : �Je demanderais aux Sou�ra, ahl So�r El- Ghouzl�ne et m�me � ceux qui m�ont aid� � rassembler ces souvenirs de ne pas trop y croire, car ils sont ici pleins d�imagination cr�atrice et de r�ve nostalgique, et de tendre fid�lit� aussi. C�est ma fa�on, � l��ge que j�ai aujourd�hui, de rendre � So�r El-Ghouzl�ne quelque peu de ce que ma ville natale m�a donn�.� En red�couvrant mes personnages, les lieux et les sc�nes d�autrefois, je n�ai r�sist� � aucune envie de me les approprier, de les embrasser dans mon univers d�adulte, dans mes essais d��criture. Le grand probl�me � g�rer, le seul qui motive une belle litt�rature est que l��crivain ne trahisse pas les esp�rances du lecteur. En d�autres termes, l��crivain a en quelque sorte charge d��me, son devoir est de rester lui-m�me : l�humble artisan d�une �uvre de c�ur et de raison, utile et belle ; en somme, un �crit qui comprenne id�es et solutions pour apaiser l�Alg�rien d�aujourd�hui face aux confrontations dont il doute que quelqu�un d�autre que lui-m�me saurait lui faire retrouver le secret et le devenir de son existence.
Le Petit Caf� de mon p�re s'ach�ve quasiment avec l'ind�pendance. Vous dites pourtant si peu de choses sur vos d�buts dans la litt�rature dans la proximit� de Robl�s et de Camus, en ces ann�es 1950 qui constituent une p�riode essentielle de l'�mergence d'une litt�rature nationale � laquelle vous allez contribuer. Est-ce que vous envisagez de revenir sur votre parcours dans le champ litt�raire de l'ind�pendance ?
Pour r�pondre � votre question, je dois d�abord pr�ciser que �les r�cits au pass� s�ach�vent au moment o� je pars pour �tudier � Boufarik puis au lyc�e Bugeaud (aujourd�hui, lyc�e �mir-Abdelkader). Dans le dernier chapitre du Petit Caf� de mon p�re, je projette un r�ve ou plut�t mes r�ves : je venais enfin d�achever La D�voil�e, ma premi�re �uvre de jeunesse, une pi�ce de th��tre commenc�e plusieurs ann�es auparavant pendant les vacances d��t� pass�es � So�r El-Ghouzl�ne et sans cesse travaill�e. Tandis que j��tais, en 1955-1956, �l�ve-ma�tre en 4e ann�e de formation � l��cole normale de Bouzar�ah-Alger, La D�voil�e sera prise en charge par mon ancien professeur de fran�ais au lyc�e Bugeaud. Il envoie le manuscrit � Albert Camus qui lui r�pond par un long courrier �logieux en notant qu�il trouve l��uvre �pleine de promesses�. Quelques mois apr�s, je rencontre Emmanuel Robl�s qui me fait une belle pr�face et La D�voil�e est alors �dit�e en 1959. Par la suite, j�ai eu surtout plusieurs rencontres avec Robl�s. Lorsque Camus (prix Nobel 1957) est d�c�d� le 4 janvier 1960, dans un accident de voiture, Robl�s m�a demand� par une lettre dat�e du 7 mai 1960 de m�associer � l�hommage que Simoun(une revue litt�raire paraissant � Oran) s�appr�tait � rendre � Camus mort. Il m��crit : �Cher ami... Acceptez-vous (et je le souhaite vivement !) de vous joindre � cet hommage auquel vont participer Audisio, Feraoun, Moussy, Pierre Blanchar, etc. ? Quelques pages montrant l�influence, le rayonnement d�Albert Camus sur votre jeunesse, conviendraient. Voyez�� La moindre chose � faire, c��tait, � l��vidence, d�envoyer � Robl�s un texte en hommage � Albert Camus ; ce texte parut sous le titre �La grande col�re de l�Absurde � dans Simoun num�ro sp�cial 31 : Camus l�Alg�rien, revue litt�raire bimestrielle, Oran, 1960, 8e ann�e, pp. 52-53. [On pourra lire plus de d�tails � ce sujet dans L�Expression de mercredi 13 janvier 2010.] Ainsi donc Le Petit Caf� de mon p�re n�avait pas vocation pour dire mes d�buts en litt�rature et mes rencontres avec des auteurs connus. C�est, en r�alit�, � l�ind�pendance que j�ai eu l�immense bonheur de conna�tre et de fr�quenter nos grands �crivains, car j�ai �t� membre fondateur de la premi�re Union des �crivains alg�riens (28 octobre 1963, � Alger) dont le bureau ex�cutif a �t� �lu � l�unanimit�. Mouloud Mammeri en a �t� le pr�sident, Jean S�nac le secr�taire g�n�ral, moi-m�me le secr�taire g�n�ral adjoint et les assesseurs ont �t� Mourad Bourboune et Ahmed Sefta. Pour r�pondre � votre question je me promets de �revoir� un jour dans un ouvrage ce pass� exaltant, car unique, et surtout c�est un rep�re historique incontournable dat� pour �crire la grande renaissance de la litt�rature alg�rienne � l�ind�pendance.
A. M.
Lire sur Le Petit caf� de mon p�re
- Lynda Graba : R�cits au pass�, El Moudjahid, 30 mars 2011.
- N. Krim : Un hymne � So�r El Ghouzl�ne, L�Expression, 17 avril 2011.
- Hocine T. : Puissance de l�amour et force de l�imagination, Le Soir d�Alg�rie, 25 avril 2011.
- Outoudert Abrous : L�atmosph�re d�une �poque, Libert�, 28 avril 2011.
- Yacine Mahjoub : Ar�mes du pass�, El Watan Arts & Lettres, 21 mai 2011.
- Boumediene Abed : Le Petit caf� de mon p�re de Kaddour M�hamsadji , La Nouvelle R�publique, 4 juin 2011.
- Un portrait par Hamid Tahri : �Kaddour M�hamsadji, �crivain-journaliste, romancier, po�te et chroniqueur : chants intimes de So�r El Ghouzl�ne � la Casbah� , El Watan, 12 mai 2011.


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