Le politologue, Mustapha Saïdj, a soutenu, dans cet entretien, que les révoltes arabes ne concrétiseront pas les espoirs revendiqués et portés par les peuples. Il estime que les processus démocratiques dans les pays en question seront visiblement brisés par la montée des islamistes radicaux et le refus de l'ancienne élite au pouvoir de lâcher prise. L'Expression: Quelle issue prévoyez-vous pour les révoltes arabes et les transitions démocratiques? Mustapha Saïdj: Les révoltes arabes sont porteuses d'un lendemain incertain et peuvent reproduire les mouvements de violence survenus en Algérie après les événements de 1988. Les révoltes dans le Monde arabe risquent d'être brisées. On constate la montée des islamistes et le refus de l'élite au pouvoir de lâcher prise. Il y a également, les islamistes radicaux qui peuvent trouver là une aubaine, sortir leurs griffes et réclamer le pouvoir. Donc, des dérapages violents et sanglants sont prévisibles et peuvent remettre en cause des acquis chèrement payés lors des soulèvements des peuples. Le cas de la Tunisie en est un grand signe. Après le départ de Ben Ali, la Tunisie fait face aujourd'hui à l'un des plus grands défis qui risque de confisquer et briser l'espoir. La montée spectaculaire des islamistes traduit le danger qui plane sur la nouvelle Tunisie. On aboutit à une confrontation avec les islamistes... De nouvelles crises opposent les islamistes aux forces démocratiques et progressistes. Donc, de telles situations ouvrent, par voie de conséquence, d'autres fronts et foyers de tension. Conclusion: il est juste de retenir, sans risque de se tromper, que les processus démocratiques mis en route dans les pays arabes conduisent droit à des crises. Car, la reconstruction et la réussite d'une transition démocratique exigent de grands efforts et un travail de longue haleine. La démocratie ne se retrouve pas au lendemain d'une révolte, mais elle se construit à travers des projets de société, qui expriment la pensée et la volonté des peuples. C'est tout un processus à mettre en oeuvre pour y arriver. Car, l'avènement de la démocratie ne se fait pas du jour au lendemain, c'est un combat à mener. Ce n'est pas un système qu'on calque ou qu'on importe, elle est le résultat d'un contrat social. Les crises nées au lendemain des révoltes arabes, comme c'est le cas aujourd'hui en Egypte, peuvent avorter les espoirs des enfants du Nil qui ont cru chasser tous les symboles de la dictature mise en oeuvre par Hosni Moubarak, durant des décennie. Au vu du maintien de certains cadres, notamment de la hiérarchie militaire en poste au pouvoir, les jeunes auteurs de la révolution égyptienne sortent et crient encore dans la rue pour le départ total de tous les symboles du pouvoir de Hosni Moubarak. Les jeunes égyptiens ne veulent plus des traces du régime de Hosni Moubarak, ils réclament un changement radical. C'est une revendication qui est, jusqu'ici, confrontée au refus de l'ancienne élite qui veut, coûte que coûte, se maintenir au pouvoir. Une telle demande est donc confrontée à la ferme position de la junte militaire boostée d'ailleurs, par les bons soins du raïs, aux postes de commande, afin de détenir le pouvoir, sous l'habit de la démocratie. Les présentes manifestations et les incidents enregistrés en Egypte et où les jeunes de la révolution appellent encore, haut et fort, les militaires à céder le pouvoir, sous risque de voir la révolution confisquée, n'ont fait que renouveler la dictature, instaurée par Moubarak. Donc, la transition démocratique dans les pays arabes demeure prise en otage... Il pourrait y avoir des événements plus violents et plus sanglants qui succéderaient à la chute des présidents en Tunisie et en Egypte. Ces deux pays confirment assez bien la thèse portant sur un avenir sanglant et incertain pour les révoltes arabes. Après 1988, les Algériens s'attendaient à une transition démocratique, mais le pays a plongé dans le terrorisme.