la colère des citoyens déclenchée simultanément dans plusieurs villes semble cacher des arrière-pensées politiciennes. Trois villes, à l'est et au sud-est du pays, ont connu un week-end mouvementé. A Barika, non loin de Batna, les citoyens ont bloqué la route principale de leur ville pendant plusieurs heures pour protester contre le laisser-aller des autorités locales. Deux fillettes avaient trouvé la mort quelques heures auparavant à cause d'un fil électrique de moyenne tension abandonné sur la voie publique. A Mila, plus précisément dans la commune de Rouached, les citoyens sont sortis dans la rue pour une raison contraire, celle liée aux fréquentes coupures de courant. Les jeunes, qui ont saccagé de nombreux édifices publics ainsi que le véhicule du chef de daïra, promettent de revenir à la charge puisque les forces de sécurité en ont interpellé plusieurs. Sans jeu de mots aucun, la situation hier, à l'heure où nous mettions sous presse, menaçait de dégénérer de nouveau. Le hasard, en effet, a voulu qu'il y ait nouvelle coupure de courant au moment où une délégation de citoyens négociait avec les représentants des pouvoirs publics. Cela a eu pour effet immédiat de déclencher de nouvelles émeutes, suivies d'autres arrestations. Plus d'une dizaine de personnes se trouvent ainsi en détention provisoire alors que des élus locaux, notamment ceux du PT, qui tentent de jouer le rôle d'intermédiaire, demandent leur libération. Devant l'impossibilité de trouver un terrain d'entente avec les autorités locales, des contacts ont été pris avec le ministère de l'Intérieur par le biais d'un député de cette formation politique. Mais aucun résultat n'a pu être obtenu pour le moment. A Biskra, enfin, dans la commune de Doucène, des citoyens se sont rendus «coupables» d'attroupement, de destruction de biens publics et même de profanation de l'emblème national, si l'on en croit le chef d'inculpation retenu contre les 28 personnes interpellées dont 14 viennent d'être libérées suivant une décision prise par le tribunal d'Ouled Djellal. Dans cette ville, les émeutiers sont allés jusqu'à agresser des membres des forces de sécurité, notamment des gendarmes. Le timing de ces émeutes, intervenues toutes en même temps, laisse à penser que cette colère, somme toute légitime, a pu être exacerbée, voire instrumentalisée, dans le but d'accentuer l'instabilité ambiante à mesure qu'approche la présidentielle. Des sources politiques indiquent aussi que ces émeutes peuvent constituer une nouvelle forme d'attaque contre le FLN puisque les régions touchées sont en majorité gérées par des élus FLN. Les adversaires de Benflis ne semblent pas avoir tout à fait désarmé, en dépit des cuisantes défaites déjà essuyées. Le timing, en outre, coïncide avec des émeutes qui avaient eu lieu l'été passé dans plus d'une vingtaine de wilayas et qui s'étaient propagées telle une traînée de poudre. Ce genre de coïncidence demeure pour le moins troublante alors que quelques mois à peine nous séparent de la présidentielle d'avril 2004. Le risque est grand, aussi, de voir ces émeutes toucher beaucoup d'autres régions du pays au regard des épidémies qui se propagent et que les pouvoirs publics semblent incapables de maîtriser, du nombre effrayant de sinistrés dont les conditions de vie sont lamentables et de la baisse constante du pouvoir d'achat au point que près du tiers de la population vit aujourd'hui au-dessous du seuil de pauvreté. L'islamisme intégriste, qui croît de ce genre de choses, oeuvre peut-être lui aussi à mettre le feu aux poudres. Dans tous les cas de figure, l'Algérie traverse une nouvelle zone de turbulences aux conséquences tout aussi imprévisibles qu'incommensurables.