Un black-out est imposé à cette affaire par les gouvernements successifs depuis l'Indépendance. Le mystère entourant l'affaire Si Salah n'a pas été élucidé 50 ans après la mort ce colonel de la Wilaya IV qui a rencontré en 1960, le président de la Republique française, le général de Gaulle pour discuter de l'autodétermination. Cette négociation avait valu alors au colonel Si Salah, d'être accusé à tort de traîtrise. De son vrai nom Mohamed Zamoum, cet héros de la Révolution a été donné par certains de ses pairs, à l'armée française qui l'a éliminé dans une embuscade le 20 juillet 1961 au pied du Djurdjura. Une polémique était née dans cette affaire entre ceux qui l'accusaient de trahison et ceux qui le défendaient. Parmi ces derniers, figure tout naturellement son fils, Rabah Zamoum, qui était, hier, l'invité de l'association Mechaâl El Chahid pour une conférence en commémoration du 50e anniversaire de la mort de Si Salah, tenue au siège du journal El Moudjahid. Estimant que son père «n'était pas un traître», Rabah Zamoum a retracé son parcours de combattant et le contexte dans lequel ont eu lieu, les négociations avec le général de Gaulle en juin 1960. Le conférencier fera remarquer d'abord que les négociations s'étaient tenues à un haut niveau, avec le président de la République française et non pas avec des militaires. Puis, il a expliqué que ces négociations portaient sur l'autodétermination et non sur «la paix des braves» comme le faisait croire l'armée française. Aussi, Rabah Zamoum a rappelé que son père avait été avant 1954, membre du PPA (Parti du peple algerien) et un homme du 1er Novembre, authentique maquisard, torturé et emprisonné par les Français. Il défend sa mémoire et le lave de l'accusation portée contre lui. «Pourquoi un tel homme a accepté alors, de rencontrer De Gaulle?», s'est-il interrogé. En réponse, le fils du chahid Si Salah a retracé le contexte de l'époque. Il dira que «les maquis de l'intérieur vivaient des conditions désastreuses, avec un manque flagrant en armes et hommes». Il ajoutera que le CCE (Comité de coordination et d'exécution) «n'avait pas respecté les disposition, du Congrès de la Soummam, notamment le principe de la primauté de l'intérieur sur l'extérieur». Puis, il y avait eu la liquidation de Abane Ramdane, la création du Gpra (Gouvernement provisoire de la République algérienne) et la mort «sur simple renseignement» à des colonels Amirouche et Si El Haouès. Dans ce climat particulier, Si Salah avait accusé l'état-major de l'ALN (Armée de libération nationale) de rétention d'armes aux frontières et le ravitaillement de certaines wilayas au détriment d'autres. Il accusait en même temps les membres du Gpra de corruption, tergiversations, d'usurpation etc. Le conférencier a souligné que son père avait pris attache avec les autres wilayas leur demandant d'engager des démarches pour en finir avec la guerre. Pour Rabah Zamoum, les négociations de Si Salah et ses compagnons, avec De Gaulle, constituaitent une gifle donnée au Gpra. Ce dernier a accepté de négocier avec De Gaulle le 20 juin 1960, soit six jours après la rencontre Si Salah-De Gaulle, a-t-il précisé. «S'il y a eu trahison, cela ne me gêne pas. Mais qui a trahi, Si Salah ou les autres?», a martelé le fils du colonel, ajoutant: «Moi, je dis que ce n'est pas Si Salah». Ce qui est sûr, a-t-il poursuivi, «c'est que ces négociations ont précipité l'indépendance de l'Algérie». Après l'échec des négociations, Si Salah voulait se rendre en Tunisie pour rencontrer les membres du Gpra et leur expliquer sa démarche. Il tombera en cours de route, le 20 juillet 1961, dans la région de Bouira dans une embuscade de l'armée française et meurt avec son escorte. Si ce témoignage n'a pas levé le mystère sur cette affaire, il ouvre cependant une brèche pour un débat sur un épisode de notre histoire, resté pendant longtemps comme un tabou. D'ailleurs, Rabah Zamoum a déploré le black-out imposé à cette affaire par les gouvernements successifs depuis l'Indépendance, l'assimilant à une démarche visant l'amnésie et le qualifiant d'hypocrisie. Le colonel Si Salah est né le 29 novembre 1928 à Aïn Taya, s'est s'engagé très jeune, dans l'action politique au sein du PPA. partisan de la lutte armée, il participe à la préparation du 1er Novembre 1954 dont les copies de «l'appel» ont été imprimées dans la maison familiale au village d'Ighil-Imoula. A sa mort, il n'avait que 33 ans, comme le colonel Amirouche.