La tolérance a cédé la place à l'extrémisme Une journée au bord de la mer ou une petite balade en forêt n'est pas un exercice de tout repos de nos jours. Sortir en famille est devenu un exercice fort compliqué de nos jours. Que ce soit pour une virée en ville ou une journée au bord de la mer, de moins en moins de familles tentent l'aventure de peur d'être importunées ou faire de mauvaises rencontres. L' Algérie a beaucoup changé et les bouleversements qu'elle a connus ces 20 dernières années l'ont complètement transformée en lui faisant perdre presque tous ses repères. Les gens sont devenus très nerveux et très agressifs et le regard qu'ils portent sur la société a, lui aussi, totalement changé. La tolérance a cédé la place à l'extrémisme, et la politesse et le respect qui étaient considérés comme des vertus cardinales, jadis, se sont effacés, donnant naissance à un nouveau type de comportement qui a rendu les Algériens peu soucieux de la morale et surtout moins regardants à l'égard des personnes âgées. Ces dernières sont traitées sans égards et les femmes, particulièrement les jeunes, ne peuvent plus mettre le nez dehors sans risquer de se faire insulter ou agresser. Les agressions verbales sont légion et le lexique des mots grossiers ou orduriers ne fait qu'évoluer au grand dam des moralistes et des citoyens qui sortent en famille. Parfois, on est obligés de se boucher les oreilles ou de changer carrément de trottoir pour ne pas entendre toutes ces insanités et tous ces jurons proférés de jour comme de nuit par de petits voyous qui écument les rues et sèment la terreur. Et c'est visiblement ce qui inquiète les Algériens et les oblige à faire avec leurs familles, parfois, de longs trajets pour trouver un endroit tranquille pour passer la journée et se relaxer. Les plages d' Alger affichent souvent complet. Que ce soit à El Kettani ou Rmilet Laâoued, il est très difficile, à partir de dix heures du matin, de se dégoter une place pour s'installer ou camper. Ceux qui y vont sont, en majorité, des gens qui habitent Bab El Oued ou les quartiers environnants. Pour eux, ces deux plages ont un double avantage. Elles se trouvent à quelques pas seulement de chez eux et leur accès est gratuit. Beaucoup de femmes, habillées en hidjab, sont présentes sur les lieux. Du rivage, elles surveillent les mouvements de leurs enfants qui barbotent gaiement dans l'eau. Elles aimeraient bien piquer une tête pour se rafraîchir, mais avoir les pieds dans l'eau suffit entièrement à leur bonheur. Les bouleversements qu'a connus la société ces 20 dernières années a modifié le comportement des Algériens et changé leurs habitudes. S'exhiber en maillot de bain est devenu fort risqué. Les préjugés sont tenaces et la peur d'être insultées ou agressées a fini par dissuader même les plus téméraires. «La société algérienne est devenue très conservatrice. Les gens tolèrent de moins en moins de femmes sur les plages», nous dit cette mère de famille en hidjab rencontrée au bord de la plage. «Je viens tous les matins pour faire profiter mes trois enfants de la baignade. L'endroit est sécurisé et les gens semblent ignorer ma présence.», nous déclare, pour sa part, cette autre femme croisée à l'entrée. La présence d'une femme en maillot de bain gêne. C'est pourquoi certains parents, pour éviter les problèmes, préfèrent aller avec leurs femmes et leurs enfants vers des endroits plus tranquilles pour se dorer au soleil et se relaxer. «J'ai deux filles âgées respectivement de 17 et de 19 ans. Lorsqu'elles me demandent de les emmener à la plage, je suis obligé d'aller jusqu'à Sidi Fredj pour exaucer leurs voeux, car là elles ne risquent pas d'être importunées ou agressées», nous apprend Mohamed qui passait par là. Située à une trentaine de kilomètres, à l'ouest d' Alger, la plage de Sidi Fredj est un endroit rêvé pour les nageurs et les flâneurs. Véritable bijou d'architecture, le complexe qui a une vue imprenable sur la mer et la côte, attire chaque jour des milliers de visiteurs en quête d'un coin paisible pour se reposer. Les terrasses des cafés sont souvent pleines, particulièrement le soir, grâce aux nombreuses familles qui y séjournent ou qui sont de passage et qui désirent, soit boire une limonade, soit déguster une glace. L'esplanade du port est aussi un endroit très animé. De là, on peut aisément apercevoir toute la plage qui s'étire sur près d'un kilomètre et le long de laquelle se dressent des centaines de parasols et de tentes qui donnent à Sidi Fredj un aspect pittoresque. Bébés, enfants, ados, hommes, femmes, vieux et vieilles cohabitent en totale harmonie en se dorant au soleil ou en piquant une tête dans l'eau. Des gendarmes arpentent régulièrement la plage et interviennent à la moindre alerte, au moindre mouvement suspect. Les gens se sentent en sécurité et les jeunes filles en maillot de bain s'adonnent tranquillement à la nage en faisant preuve de beaucoup de maîtrise et de métier. Certes, de jeunes garçons les taquinent, parfois en leur lançant quelques mots gentils, mais cela ne les perturbe pas pour autant. Bien au contraire, elles le prennent pour un compliment. C'est le cas de cette pensionnaire d'un hôtel du coin. «Sidi Fredj est un coin formidable pour se baigner et se détendre. Les gens sont gentils même si de temps en temps, ils nous taquinent», nous dit-elle. Peu importe, même le soir, pour les adeptes des bains de minuit, la sécurité existe. D'ailleurs, beaucoup d'estivants préfèrent les bains de nuit parce qu'il fait moins chaud et il y a moins de monde, estiment-ils. Les amateurs de bonne clair et de restaurants chics, n'ont pas été oubliés, tout comme les mélomanes et les flâneurs qui peuvent trouver à l'intérieur de ce grand complexe tout ce dont ils ont besoin.