Le plus souvent, quand vous voyez une femme habillée - en robe ou en djellaba - dans l'eau sur une plage, c'est qu'elle accompagne forcément son petit. Autrement dit, elle initie son enfant à la mer, à la baignade. A force de répétition, ce phénomène n'attire plus la curiosité. Il est conséquent à un autre, celui de se rendre à la plage en famille ou en groupe sans la présence, jadis incontournable, d'un mâle. L'envahissement de cet espace de plaisance n'est pas l'apanage d'une catégorie précise de la gent féminine. Il est à préciser que les femmes issues des quartiers et milieux modestes sont pionnières dans ce chapitre. Sur les plages populaires, où la logique mercantile n'est pas encore omniprésente, c'est aux mères que désormais incombe la corvée d'offrir une journée de plage aux enfants. C'est à elles que revient la tâche de trouver et de négocier avec un transporteur (un clandestin, dans le jargon usité) quand il n'y a pas de desserte des transports collectifs. Et c'est à elles que revient la mission de faire dépasser la phobie de l'eau aux plus petits. Des fois, elles déploient des montagnes de patience. Par moment, en brutalisant ou en ne ménageant aucunement leur progéniture. Dans beaucoup de cas, même sur la plage, ces femmes reproduisent un peu le schéma du foyer. En bricolant des sortes de tente à l'aide de serviettes et de draps pour s'offrir un minimum d'intimité (setra), elles s'y retrouvent dans une position de centralité: pour servir à manger ou pour répondre à une quelconque sollicitation de sa marmaille. Mais quand il s'agit de «jeter» les plus petits à l'eau, elles n'hésitent pas à courir le ridicule de sortir de la mer avec des robes collantes sur leur corps et dessinant leurs formes. C'est aussi l'opportunité pour elles de se rafraîchir ou de dissuader les jeunots qui tournoient autour de leurs filles encore pubères. Ce genre de scènes, pittoresques pour certains et grotesques pour d'autres, est devenu une composante de certaines de nos plages. Pour une autre catégorie de femmes, moins démunies, les choses se passent autrement. Accompagnées d'une parente ou d'une relation, elles partent à la plage au bord de leurs véhicules personnels. Ce qui suppose moins de contraintes par rapport au temps. La virée vers la mer peut avoir lieu faire en milieu d'après-midi, comme elle se faire dans la matinée. Quand elles ne s'encombrent pas pour emporter les chaises et le parasol, elles les louent sur place. Dans ce dernier cas de figure, leur charge se limite à un couffin pour le thermos du café et les gâteaux, ou au pire à une glacière contenant le nécessaire pour le déjeuner. Certaines d'entre elles prétendent venir à la plage pour offrir un moment de plaisir à leurs enfants, moment présenté comme une obligation, mais ceci ne les empêche pas de profiter elles-mêmes de l'eau et de chercher le bronzage, standard d'esthétique. Elles libèrent leurs petits sur le sable et, de temps en temps, elles tentent de le tremper dans l'eau. Censées maîtriser les rudiments du savoir psychologique, elles se montrent moins brutales avec leur progéniture. Des fois, elles se déchargent presque de la garde de leurs enfants quand ceux-ci trouvent une compagnie de leur âge. Mais quand elles sont accompagnées de jeunes filles, la tâche de «faire baigner» le ou les petits leur incombe. Dans le premier cas comme dans le second, il s'agit de familles monoparentales. Certaines se rendent à la plage par contrainte: se plier à la pression du ou des enfants qui jalousent ou imitent le voisin ou le cousin. Pour d'autres, il s'agit de faire valoir un droit que leur veuvage ou leur séparation les dissuade d'oublier. Loin de ces conjectures, contentons-nous de relever que l'initiation des petits à la natation est devenue un «métier» des femmes. Exactement comme celui, moins étendu certes, d'accompagner l'enfant à la salle de sport où chez l'enseignant particulier de musique ou de peinture. Malheureusement, sur les bulletins statistiques des organismes officiels, ces femmes sont insérées dans la catégorie des personnes sans occupation