ce sont de nouvelles recrues, de jeunes hommes tentés par la radicalisation, qui prennent le relais et effectuent des faux barrages épisodiques. Rackets systématiques dans certains axes routiers, vols, assassinats de militaires et de policiers, embuscades et incursions sanglantes, le Gspc mène dans la région kabyle une stratégie qui met à rude épreuve les autorités. Le dernier acte, une spectaculaire opération de vol commis sur un transport de fonds bancaires, il y a quatre jours, est encore dans les esprits de par le «taux de réussite» très élevé «imposé» par le Gspc dans une région géographiquement, culturellement et linguistiquement délimitée. L'année 2003 avait très mal commencé avec 43 militaires tués à Batna par le Gspc local. Mais c'est à Tizi Ouzou et Boumerdès qu'il tisse le plus solidement sa toile. Dès le 23 janvier, le président de l'APC de Si Mustapha est assassiné devant sa maison. S'ensuit une véritable chasse aux policiers et aux militaires ; en tout, ce sont plus de 100 d'entre eux qui sont tués entre Boumerdès et l'extrême est de la ville de Tizi Ouzou. Plus grave encore, ce sont de nouvelles recrues, de jeunes hommes, tentés par la radicalisation, qui prennent le relais et effectuent des faux barrages épisodiques pour, d'un côté, «se faire de l'argent», et, de l'autre, «affermir» leurs tendances de plus en plus radicales. Dans ces deux régions - Tizi Ouzou et Boumerdès - on utilise à volonté cagoules, armes et véhicules pour voler, extorquer ou racketter. Les automobilistes qui ont de nuit, emprunté les routes des Issers, Bordj Menaiel, Dellys, Draâ El Mizan, Draâ Ben Khedda ou Boghni savent à quoi s'en tenir, mais ne savent pas à qui ils auraient - exactement - affaire concernant les faux barrages. C'est que, dans ces moments d'opacité totale, tout profite à tous... Le racket systématique et les attentats contre les forces de l'ordre perpétrés dans la région kabyle sont à intégrer dans quatre cadres. Le premier, celui d'une région rebelle dévastée par deux années d'émeutes et de contestation. Le second, celui d'une région qui présente l'un des taux les plus importants en Algérie. Le troisième, celui d'une région où les forces de l'ordre ont été soit discréditées, soit neutralisées, soit confinés dans des périmètres précis. Le gros des troupes de la gendarmerie a été «délocalisé» et repoussé aux portes de la Kabylie, l'ANP s'occupe des ratissages, disperse ses forces dans les inexpugnables maquis du Djurdjura et la police s'occupe soit à surveiller les édifices publics soit à se tenir prête pour d'éventuelles interventions afin de disperser les émeutiers, soit à protéger les personnalités de la région. Le quatrième cadre dans lequel il faut intégrer la flambée de violence en Kabylie est certainement le plus édifiant, c'est celui d'une «stratégie de symbiose» développée par le Gspc dans la région depuis 1998 et qui semble à chaque fois faire mouche. La quasi-totalité des lieutenants de Hattab est de la région (Tizi Ouzou, Bordj Menaiel, Bouira, etc) et sait, de fait, vivre en harmonie avec les autochtones. Les exactions du type GIA sont évitées par les différentes factions de Hattab et les forces de l'ordre (militaires, policiers, gendarmes, etc.) exclusivement ciblées. Les GLD (civils armés, groupes d'autodéfense), étant des «enfants du bled», sont, de fait, très rarement ciblés, afin d'éviter de se mettre à dos la région entière. De même que vous n'entendrez jamais parler d'une femme kidnappée en Kabylie, comme cela se passe ailleurs, à Médéa, Blida, Chlef ou Aïn Defla, régions où le GIA est hégémonique. Pour le seul mois de ramadan 2002 (6 novembre - 5 décembre) plus de 21 milliards ont été dérobés dans deux hold-up spectaculaires contre des banques publiques. 21 milliards, puis 30 millions de centimes ont été subtilisés en plein jour sans qu'on y trouve à redire. Parallèlement, des hôpitaux entiers ont été vidés de leur matériel et de tous les médicaments, en toute tranquillité à l'aide de gros camions. Entre janvier et juin 2003, le Gspc aura réussi le pari de réussir plusieurs «coups médiatiques». Ses attaques contre les brigades mobiles de la police et les sections de militaires en ratissage ont été particulièrement meurtrières. Le déplacement de Ali Tounsi en Kabylie, il y a une semaine et son insistant propos à vouloir éradiquer le terrorisme de la région, renseigne, on ne peut mieux, sur les dangers que constitue l'organisation de Hacène Hattab en Kabylie et qui profite des tensions politiques et sociales de la région pour asseoir son hégémonie. Voilà en fait, la clé du problème : tant que la crise politique persiste en Kabylie, il n'y aura que peu de chance pour les autorités d'en venir à bout. Car après près de six ans de «travail en profondeur», le Gspc s'y est doté de cellules, de ramifications, de caches, de moyens de financement tout à fait extraordinaires, et qui font que les hommes de Hattab s'y sentent comme des «poissons dans l'eau».