On célébrait les mariages sur les terrasses et dans les cours des maisons avant que cela ne soit remplacé par les salles des fêtes. Les habilleuses de mariées sont menacées de chômage. Les rituels et événements festifs sont indissociables des pratiques sociales. Autrefois, célébrés dans un élan traditionnel, préservés jalousement par les ancêtres, ces rites se sont transformés au fil des ans, en se modernisant. En effet, l'impact du modernisme a eu raison de traditions séculaires, les cérémonies du mariage entre autres, dont les traditions ont été transmises d'une génération à l'autre, n'ont pas échappé à la déperdition sous l'influence de l'occidentalisation des temps modernes. Aussi ancestrale que traditionnelle, la célébration des mariages à Annaba est devenue au fil du temps, un souvenir des anciennes familles bônoises. Les fêtes de mariage ne sont plus ce qu'elles étaient il y a 20 ans. Conflit de générations ou modernisme? Les traditions de cet ancestral rituel ne s'inspirent plus des pratiques du terroir, comme nous l'explique Khalti Yasmina bent Stambouli «Il y a quelques années, préparer un mariage nécessitait une réflexion d'un an et, la concertation entre les adultes était incontournable, pour raffiner l'élan traditionnel de la cérémonie du mariage, depuis le trousseau, jusqu'au menu composé de variétés de plats et gâteaux traditionnels en passant par la préparation de la mariée elle-même. Tout ceci, est aujourd'hui, un souvenir d'antan». «Cet éventail de coutumes a cédé la place aux menus commandés, salles de fêtes équipées et autres pratiques occidentales, qui ont réussi à prendre le dessus sur nos traditions ancestrales...», dit-elle. Effectivement, à travers ce modernisme destructeur, nombreuses sont les familles annabies à ne plus se conformer, lors des mariages, au rituel traditionnel, aussi bien de la noce que sa célébration. Jadis, les mariages annabis s'inspiraient des valeurs et culture arabo-musulmanes, où la cérémonie était synonyme d'un éventail de pratiques traditionnelles que les nouvelles générations désapprouvent, notamment les prétendants au mariage. Bon nombre d'usages se sont greffés aux cérémonies, ce qui a compliqué les choses. Mariages modernes, soirées dansantes sous les chants modernes d'un D.J., cortèges nuptiaux, mais surtout la nuits de noce à l'hôtel et le voyage de noces. Ces nouvelles normes sont venues se substituer aux anciennes, prouvant ainsi que même ce lien sacré n'a pas résisté à l'évolution et au modernisme dévastateur. Un enchaînement de pratiques occidentales, aux yeux des anciens, n'a aucun lien avec la culture et les coutumes, encore moins la morale et les traditions du mariage. La divergence des points de vue des deux générations, quant aux valeurs de ce rituel, se pose avec acuité. Pour les uns, la préservation des traditions de cet événement-clé, qu'est le mariage, est un signe de la bonne santé de la société. «Le mariage était synonyme de hammam el khalwa wa techlila, le bain de la mariée, événement exceptionnel, où le bain maure est réservé le temps d'une journée à la mariée (laâroussa) et ses copines, accompagnée d'un groupe de chanteuses connues sous le nom des fkiriette...» dira Khalti hsaina machta, qui signifie coiffeuse et habilleuse de la mariée. Cette vieille au visage angélique évoque l'époque où la messadna, sortait sous les stridents youyous, pour faire le porte-à-porte conviant amis et familles au mariage. «Aujourd'hui, les cartes d'invitation ont remplacé la messadna, même nous, les quelques machtate qui existons encore, sommes sollicitées par les grandes familles annabies, toujours conservatrices des traditions du mariage, mais surtout de la hachma, devenue une devise rarissime au sein des familles bônoises...» Des propos soutenus par Khalti Adra, elle aussi une habilleuse de mariées de son état. «On célébrait les mariages sur les terrasses et dans les cours des maisons que l'on ornait merveilleusement bien, sans faire des dépensées faramineuses, avant que cela ne soit remplacé par les salles des fêtes et les hôtels, dont les prix font dresser les cheveux sur la tête...». Ces dames sont vieux jeu mais leurs opinions se rejoignent. Pour elles, il est immoral de passer une nuit de noce dans une chambre d'hôtel, encore moins partir en voyage de noces. Des idées que les nouvelles générations ne partagent sûrement pas. Comme c'est le cas de Ismahen, cette prétendante au mariage, argumente le changement de coutumes et de traditions par le coût des dépenses pour un mariage typiquement traditionnel. «Le mariage est une institution incontournable, mais c'est surtout un devoir et le respect de beaucoup de coutumes. Chez nous, à Annaba, nos cérémonies sont longues et coûteuses, c'est pourquoi, autant simplifier, autant minimiser les dépenses... ce qui me permettra de partir en voyage au moins une fois dans ma vie...» Quant aux nouvelles pratiques occidentales introduites dans les mariages traditionnels, il semble que la cohabitation entre le traditionnel et le modernisme s'impose d'elle même, au vu de l'esprit évolutif et moderniste qui s'est imposé et s'impose encore.