L'un des chanteurs les plus prolifiques Il a dédié une grande partie de son oeuvre à la beauté inénarrable de la femme kabyle. La femme a de tout temps été une source d'inspiration inépuisable aux artistes et poètes de tout bord. Youcef Abdjaoui fait partie des artistes qui ont le plus loué les charmes de la femme. Il peut être considéré comme le plus grand artiste d'expression kabyle qu'a donné la vallée de la Soummam. Youcef Abdjaoui est d'abord et avant tout l'un des chanteurs kabyles les plus prolifiques. Il a écrit et composé une quantité énorme de chansons devenues de vraies hymnes à l'amour et des mélodies de l'exil. Mort en 1996 après une longue maladie, Youcef Abjaoui a laissé à ses fans un double album avec des chansons où sont déplorées les meurtrissures de l'exil et de sa solitude mais aussi les pérégrinations du coeur et de son abandon. On écoute Youcef Abdjaoui quand on a vraiment envie de replonger dans les moments exquis d'une époque, révolue peut-être, mais où la vie était, bien que difficile, d'un charme indicible. Youcef Abdjaoui chante le temps où le regard d'une femme avait une profondeur inouïe. Il dit, dans des chansons comme «Ayghar inid ayghar», l'attrait que peut avoir le charme d'une femme sur l'homme même quand il n'y a pas de contact direct entre eux. Youcef Abdjaoui a composé des dizaines de chansons d'amour d'une beauté inégalée. Qui n'a pas fredonné, au moins une fois dans sa vie, la chanson «Yegouma wul akem yetsu» ou encore «Titt d wul»? Dans cette dernière, Youcef Abdjaoui développe un sujet à la limite du philosophique puisqu'il laisse libre cours à un débat entre le regard et le coeur. Ces derniers se débattent pour savoir lequel d'entre eux est responsable de l'étincelle qui a déclenché un amour destructeur. L'oeil s'adresse au coeur, lui reprochant que lui, il n'a fait que voir et poursuivre son chemin: «C'est toi qui a décidé de t'attarder sur la beauté et de finir dans les serres de l'amour», déplore le regard. Mais le coeur, en avocat averti réplique: «Moi, je suis dans un endroit sombre et je ne vois rien et rien ne peut m'atteindre si ce n'était pas toi». Une belle discussion, pleine de romantisme et d'imagination, dont l'artisan est le regretté Youcef Abdjaoui qui chante l'amour d'une manière qui ne ressemble à aucune autre. La chanson «Tid d wul» est et restera l'une des meilleures de la chanson kabyle car, en plus du texte très imaginatif, la musique composée par Youcef Abdjaoui est également constituée d'airs que l'on pourrait écouter à satiété sans se lasser. Il s'agit tout simplement des musiques éternelles qui survivent à l'usure du temps et aux générations et que rien ne peut éroder. D'ailleurs, on pourrait imputer une partie du grand succès des chansons de Youcef Abdjaoui à ses compositions musicales. Mais ce n'est pas tout car on ne peut occulter ni sa voix qui berce ni son sens mesuré dans la manière de chanter. Youcef Abdjaoui chante juste. Ce qui fait de lui une référence en la matière. Ce n'est nullement un hasard si Matoub Lounès lui a fait confiance dans son album Izriw, sorti en 1991. Youcef Abdjaoui faisait partie de l'orchestration et même de la chorale ayant participé dans cet album. Les deux hommes avaient en effet plus d'un point commun, à commencer par le fait qu'il s'agit de vrais artistes qui n'ont jamais triché pour arriver à destination. Aussi, la sincérité est un point commun entre Youcef Abdjaoui et Matoub. Quand ce dernier est victime des événements d'octobre 1988, le seul chanteur qui lui rend hommage à travers une chanson, c'est bel et bien Youcef Abdjaoui. Ce dernier était pourtant l'ainé du Rebelle mais quand on est sincère, l'égo ne prend jamais le dessus. Aujourd'hui, Youcef Abdjaoui, malgré l'absence de médiatisation, notamment par les chaînes de télévision, reste l'un des chanteurs les plus écoutés dans les quatre coins de la Kabylie. Youcef Abdjaoui a conquis même le coeur des jeunes générations qui n'ont jamais eu la chance ou l'occasion de le voir sur scène. Ce grand maître a quitté très tôt Béjaïa et l'Algérie et s'est battu avec les angoisses de l'exil qui fait miroiter les illusions mais qui finit par tuer toute once d'espoir. C'est d'ailleurs, la raison pour laquelle l'autre partie du répertoire de Youcef Abdjaoui est composée de chansons sur la solitude de l'exilé. Une grande part de son oeuvre parle de la douleur d'être séparé de sa terre natale. Youcef Abdjaoui décrit avec des mélodies, d'un haut niveau, les turpitudes de l'émigration. Il s'agit bien entendu de chansons autobiographiques où Youcef Abdjaoui égrène ses regrets devant des choix malheureux à tout point de vue. C'est le cas dans la chanson «Igdran yidi mazal» où il est question de confrontation avec une amère réalité. Dans ce texte bâti autour d'une mélodie prégnante, Youcef Abdjaoui s'attarde sur le destin, sur le choix, sur la chance qui semblent tous s'être dressés contre lui. L'artiste de Bgayet fait étalage des pérégrinations interminables de l'exilé qui survit en pensant en permanence à la vie qu'il aurait dû mener dans son village en toute tranquillité loin des feux croisés de l'insatiable tentation. Le troisième volet de l'oeuvre de Youcef Abdjaoui a trait aux questions existentielles. Il y chante la fugacité de la vie et l'aspect éphémère des temps présents. Dans un texte comme «Balak ak taghwi dunit», Youcef Abdjaoui insiste sur le fait que tout passe et que tout a une fin. C'est pourquoi, il avertit contre les souffrances inutiles et contre la tentation dont est hanté l'être humain à nuire son prochain, en croyant construire, ce faisant, son propre bonheur. Souvent, dans les textes de Youcef Abdjaoui, la douleur est omniprésente mais ses musiques sont plutôt plus ou moins source de gaité. Ce qui fait que les vérités qu'il assène sont souvent moins difficiles à écouter. Il s'agit de dures réalités drapées dans d'agréables mélodies et répercutées par une voix chaude.