La France a mis les pieds dans des sables mouvants Paris, qui a piloté l'opération militaire menée sous la bannière de l'Otan et qui ne jurait que par le départ d'El Gueddafi, a fini par reconnaître qu'il a sous-estimé la résistance que lui a opposé le colonel libyen. La position défendue par l'Algérie pour une sortie de crise dans le conflit libyen semble désormais incontournable. Un probable ballet diplomatique pourrait se jouer, à cet effet, à Alger. La diplomatie algérienne n'a pas cessé d'appeler à appuyer les différentes initiatives et efforts pour une «solution pacifique de la crise libyenne» et, pour ce faire, appliquer la «feuille de route de l'Union africaine (UA)». Un appel qui a trouvé un large écho et qui semble avoir résonné favorablement du côté de l'Elysée. La France, qui ne veut pas reconnaître qu'elle a mis les pieds dans des sables mouvants en intervenant militairement en Libye, a toutefois pris acte que la résistance farouche que lui a promise le guide de la Jamahiriya n'est pas un vain mot comme elle ne relève pas non plus de la fanfaronnade et de la simple gesticulation. Tripoli s'est-elle érigée en citadelle imprenable? En tous les cas, l'exhibition de muscles ne l'a pas fait plier et a montré ses limites. Les canonnades et les bombardements n'ont pas eu raison de la capitale libyenne. Alain Juppé, le ministre français des Affaires étrangères, le reconnaît à demi-mot. «On ne peut pas parler d'enlisement. Ça fait cinq mois que nous intervenons, personne n'a jamais parlé de guerre éclair... Sans doute avons-nous sous-estimé la résistance des forces d'El Gueddafi, mais il n'y a pas enlisement», a déclaré, jeudi, le chef de la diplomatie française sur la chaîne de télévision publique France 2. La France en a plein les bottes du bourbier libyen. Quand bien même n'ose-t-elle pas le reconnaître, elle ne verrait pas d'un mauvais oeil une issue politique à ce conflit. Ce qui lui réserverait une porte de sortie honorable. «Nous travaillons aussi à chercher une solution politique parce qu'il est évident que la solution ne sera pas en définitive militaire. Il faut simplement, et c'est pour nous la ligne rouge, qu'El Gueddafi comprenne qu'il n'a plus vocation à exercer le pouvoir en Libye», a ajouté Alain Juppé. La solution politique, l'Hexagone y songeait déjà. Il avait évoqué cette option à travers les déclarations de son ministre de la Défense. «Nous leur demandons (aux Libyens Ndlr) de parler entre eux, de se mettre autour d'une table...Il n'y a pas de solution de force», a déclaré le 10 juillet 2011 sur BFM TV, Gérard Longuet, dont le pays a été le fer de lance de l'opération militaire menée par l'Otan. Le patron du Quai d'Orsay, qui a renouvelé sa confiance au Conseil National de transition, a toutefois nié l'existence de dissensions, en son sein, qui le menaceraient d'implosion. Une guerre fratricide s'est pourtant affichée pratiquement au grand jour après l'élimination physique du chef de l'insurrection libyenne. Une hypothèse renforcée par l'analyse de certains experts. La mort du général Younès, «est révélatrice de schismes qui apparaissent ces derniers mois au sein du CNT (...) On pourrait assister aux exemples les plus extrêmes de ces divisions entre les anciens membres du régime et les pionniers de la rébellion», a estimé Geoff Porter, du cabinet de consultants North Africa Risk. Le général Abdelfatah Younès a été abattu par des assaillants après avoir été rappelé, du front Est à Brega, pour un interrogatoire à Benghazi sur ses prétendues relations avec le régime de Mouamar El Gueddafi. Sa mort a été annoncée le 28 juillet. Aucune information n'a filtré depuis sur les véritables motifs de cette liquidation ni sur l'identité de ses assassins. Pourtant des membres de sa tribu, celle des Obeidis considérée comme la plus importante de Libye, n'ont pas hésité à désigner certains responsables de l'insurrection. Le Conseil tribal libyen (représenté par 2000 tribus) qui soutient la feuille de route de l'UA pour une sortie de crise, avait adressé un message déterminé à l'Otan à travers un manifeste publié le 26 juillet. «Les tribus de Libye ne se sont pas encore complètement réunies pour repousser les agresseurs de l'Otan. Alors que nous nous y préparons nous avertissons l'Otan que nous ne nous arrêterons pas avant qu'ils n'aient quitté notre pays et nous ferons en sorte qu'ils ne reviennent jamais», soulignait le communiqué. L'armada des pays occidentaux, Paris à leur tête, qui ne semble plus avoir le choix des armes, donne l'impression de vouloir mettre un peu plus d'eau dans son vin et affiche des intentions moins belliqueuses. Le CNT a-t-il reçu le feu vert pour négocier? Ses dispositions affichées en faveur de la feuille de route de l'UA est une indication sérieuse...