Il ne sert à rien de se voiler la face. La réalité est là : notre pays est désormais considéré comme région pestiférée. Dans l'urgence, nos voisins immédiats, le Maroc et la Tunisie notamment, ainsi que nos autres partenaires économiques, ont été amenés, ces derniers temps, à réactiver les mesures de surveillance sanitaires à leurs frontières, afin de se prémunir contre les effets d'une maladie d'un autre âge. Tous les ports des pays avec lesquels nous entretenons des échanges de marchandises et de personnes, particulièrement ceux situés sur la rive Nord de la Méditerranée, sont en alerte pour prévenir toute propagation de la peste. L'ensemble des navires en provenance d'Algérie est soumis, systématiquement, à un contrôle afin de déceler d'éventuels signes d'infestation. Contrairement à ce que, de prime abord, on pourrait être tenté de penser, il ne s'agit nullement là de mesures vexatoires, mais d'actions, toutes légitimes, entreprises par tout pays pour assurer la sécurité sanitaire de sa population. Comment en est-on arrivé à une telle catastrophe? Il s'agit, aujourd'hui, face à la résurgence, inquiétante, de plusieurs maladies que l'on croyait totalement éradiquées, de savoir par quel biais la peste a été amenée à réapparaître en Algérie. Sans risque de se tromper, il n'est pas exagéré d'affirmer que la responsabilité des pouvoirs publics, dans l'apparition de cette pathologie, est pleine et entière. L'ensemble des moyens de surveillance, de prévention et d'alerte, qui existaient jusque dans le milieu des années 1980 ont été, soit mis en veilleuse soit démembrés. A ce jour, aucun moyen correct et efficient de conditionnement, de ramassage et de traitement des déchets ménagers et industriels n'a été mis en place. Dans le même temps, on tarde à activer l'arsenal des moyens répressifs afin de contraindre les Algériens à faire preuve de plus de civisme, particulièrement quand il s'agit de questions liées à leur santé. Les bureaux d'hygiène communaux créés en 1987 pour surveiller l'état sanitaire du milieu, sous équipés, autant en moyens humains qu'en équipements, sont très loin, dans leur état actuel de mener à bien leur mission. Plus grave encore : les services de santé maritime, installés au niveau de l'ensemble des ports commerciaux du pays et qui avaient pour mission essentielle de prévenir toute intrusion aux frontières maritimes, de maladies particulièrement comme la peste, le typhus ou la fièvre jaune, ont été dissous et certaines de ses nombreuses activités confiées à ces mêmes bureaux d'hygiène communaux. Cette structure sanitaire de premier plan, dotée de laboratoires et d'embarcations, était, dans un passé récent, chargée d'assurer le contrôle sanitaire de tout navire désirant accoster le port d'Alger. Elle était également chargée de la surveillance des nombreuses populations de rats dont des individus étaient, régulièrement, capturés par des équipes spécialisées pour être ensuite disséqués, afin de déterminer la présence de maladies graves parmi lesquelles la peste figurait au premier plan. Résultat de la gabegie ou de l'inconscience de nos responsables, le bâtiment de la santé maritime d'Alger, dont l'architecture rappelle celle des antiques temples gréco-romains, a été détourné de sa vocation première. Il abrite, aujourd'hui, un restaurant gastronomique ouvert aux plus fortunés de nos concitoyens. Ce qui est d'autant plus regrettable, c'est qu'en pleine crise liée à l'apparition de foyers de peste en Algérie, des navires étrangers continuent d'accoster dans les ports algériens sans contrôle préalable de la situation sanitaire régnant à leur bord au moment de leur arrivée, ni de la mise en place, sur les câbles d'amarrage notamment, de dispositifs empêchant la descente à terre, de bêtes pouvant véhiculer la maladie. Pourquoi devons-nous nous étonner à devoir subir toutes les calamités de la terre si nos dirigeants enfoncés dans leur bien-être et leur quiétude continuent à avoir la politique d'autruche?