C'est ce qu'a déclaré hier à Liberté, un haut responsable des Affaires étrangères. L'opinion s'attend à ce que la suppression du visa d'entrée des ressortissants algériens au Maroc soit suivie de la réouverture par Alger, de la frontière terrestre entre les deux pays. Cette mesure est concevable d'autant plus qu'elle contribue à la normalisation des relations entre les deux voisins. Dans l'énoncé des motifs justifiant l'annulation du visa depuis vendredi, le royaume alaouite a fait valoir sa “sincère volonté et sa détermination d'inscrire ses rapports avec l'Algérie voisine dans une dynamique nouvelle, au service du rapprochement entre les deux peuples maghrébins frères”. Si par ce geste, Rabat veut confirmer ses bonnes intentions, de son côté, l'Algérie ne se considère guère obligée de lui rendre la pareille en faisant de la réouverture de la frontière le témoin de son désir de rapprochement. “Cette question n'est pas à l'ordre du jour”, confie un haut responsable des Affaires étrangères. Selon lui, la décision du palais royal n'engage nullement à une quelconque réciprocité. Dans son argumentaire, notre interlocuteur tient compte d'un fait que Rabat vient de remettre en cause une mesure prise de manière arbitraire, il y 10 ans. “Il s'agissait d'une décision unilatérale. Elle est levée de la même façon”, explique-t-il. N'y voyant aucune “conséquence sur l'évolution des relations entre les deux pays”, le diplomate estime que la question du visa comme celle de la réouverture de la frontière entre dans le cadre des travaux des deux commissions mixtes, consulaire et économique, mises sur pied par les autorités communes. Intra-muros, le mea culpa du roi Mohammed VI a donc tout l'air d'un événement mineur. Son traitement secondaire par la presse publique est illustratif de cette absence d'engouement. Le gouvernement algérien n'a même pas cru utile de le commenter. Officieusement, on considère ici que le Maroc a tout juste réparé une erreur. L'instauration du visa en 1994, au lendemain des attentats de Marrakech, avait été qualifiée d'affront. Les autorités du pays voisin avaient alors légitimé leur démarche par l'attribution des fameux attentats aux islamistes algériens. En guise de réplique, l'Algérie avait aussitôt fermé la frontière terrestre. Conjuguée au contentieux du Sahara occidental, cette nouvelle escalade avait davantage empoisonné les rapports bilatéraux et conduit à une quasi-rupture. La brouille entre les deux voisins a dûment compromis la mise en place de l'ensemble régional. Le dernier sommet de l'Union du Maghreb arabe (UMA) prévu à Alger l'hiver dernier comme le précédent une année auparavant, ont été annulés suite au désistement du roi Mohammed VI. À quel genre d'impératif obéit aujourd'hui l'offre de paix de Rabat ? Il est surprenant, en effet, qu'en si peu de temps, le souverain alaouite change de discours et prêche la réconciliation. Selon des indiscrétions, les dernières visites des chefs de la diplomatie française et espagnole qui se sont rendus à la fois au Maroc, en Algérie et en Tunisie sont en partie à l'origine de la décrispation. La stabilité régionale dans le cadre de la prévention du terrorisme étant sa principale préoccupation, l'Europe a exigé de ses partenaires de l'Afrique du Nord la nécessité de surmonter leurs divergences. Face à l'intransigeance des Algériens sur la question du Sahara occidental, les Marocains ont dû passer outre ce préalable à la normalisation. Après le ministre de l'Intérieur en déplacement à Alger, il y a dix jours, ce sera au tour du Premier ministre, Driss Jettou. Ce dernier est attendu avant la fin de l'année en cours. D'ici là, la frontière sera probablement rouverte. “De toute façon, la circulation des personnes n'a jamais été interrompue entre les deux pays”, fait remarquer notre source en évoquant le maintien du trafic aérien. Pour les Marocains néanmoins, les voies terrestres sont de loin les plus convoitées. Par elles transitaient des millions de touristes et de trabendistes algériens. S. L.