La vente de la parabole et de ses accessoires est un marché très juteux «Je vous jure qu'en temps normal déjà, les Algériens sont accros de la TV. Avec le Ramadhan, ils deviennent des malades de cette télé.» Après s'être battus toute la matinée au marché pour faire leurs courses, les Algériens s'occupent de l'élément qu'ils estiment indispensable pour passer de belles soirées ramadhanesques, à savoir la parabole. Le Ramadhan ne fait donc pas seulement le bonheur des commerçants en alimention et autres fruits et légumes. Il y a d'autres métiers qui, le moins que l'on puisse dire, marchent de forte belle manière. Il s'agit bien évidemment des métiers liés à la vente, l'installation, la mise à jour des démodulateurs et leurs paraboles. «Chaque mois de Ramadhan, la vente liée aux paraboles et ses accessoires décolle. C'est durant cette période que je fais mon meilleur chiffre d'affaires, surtout que cette année, les deux cycles les plus fastueux de l'année, l'été et le Ramadhan sont rassemblés», affirme Mohamed, commerçant en électroménager et appareils électroniques à El Hamiz (commune de la banlieue est d'Alger, connue pour la vente des équipements électroménagers et électroniques grand public à bas prix, du fait que la marchandise est vendue sans facture donc exemptée de la TVA, et surtout non déclarée). «Je parle de moi, mais je peux vous assurer que c'est le cas de pratiquement tous les commerçants du quartier, avant le Ramadhan, c'est l'électroménager, la vaisselle, les ustensiles de cuisine, les rideaux... enfin tout ce qui est, comme on dit, destiné pour la maison. Mais à peine le Ramadhan commencé, changement de décor, on se lance dans la vente de démodulateurs, décodeurs et autres cartes de décryptage TV, qui sont très prisées par le citoyen lambda», explique-t-il. «On fait le plein de notre stock pour cette période. Technicien en parabole Les importateurs essaient chaque mois de jeûne de ramener des nouveautés pour attirer les clients, et nous, quand des nouveautés pénètrent le marché national quelque temps avant, on essaie de les cacher pour les sortir au bon moment qui est celui du début du mois sacré», ajoute-t-il. Salim, autre commerçant du quartier, rapporte pour sa part, comme d'habitude, propose des soldes à ses clients ou des formules très alléchantes Spécial Ramadhan. «Je vous garantis que cela plaît vraiment au client. Je baisse le prix des démos numériques, comme ce modèle, le StarSat 6300, un vieux modèle qui me reste en stock, je l'ai soldé à 3400 DA, alors que je le vendais, comme dernier prix, à 4100 DA», révèle-t-il. «Mais ce qui intéresse le plus les clients, ce sont les formules promotionnelles que je propose, comme par exemple, le démodulateur numérique avec une carte TV Al Jazeera Sport ou la bis (Bouquet AB1, chaîne française de La TNT les 6 chaînes classiques plus d'autres thématiques) à des prix défiant toute concurrence (13.500 DA), regardez c'est affiché à l'entrée», poursuit-il. Salim, tient à signaler qu'il y a même des personnes qui achètent une nouvelle télévision pour chaque Ramadhan, «C'est comme pour la Coupe du Monde, les Algériens ont leurs propres habitudes que personne ne peut comprendre...». A la question de savoir pourquoi le marché de la télévision carbure autant pendant le Ramadhan, Salim pense avoir la réponse. «Nous, les Algériens, on est un peuple très dépensier, malgré la cherté de la vie, on aime la croquer à 100% et quand on veut quelque chose, on ne se fait pas prier pour l'acheter, comme on dit «man khalouhache fi kalbna» (on ne la laisse pas dans notre coeur). En plus, pendant le Ramadhan, les manques nous font acheter tout et n'importe quoi!», assure-t-il. «Et comme la télé est la seule distraction accessible pratiquement à tous, on y met le paquet», certifie Salim. En tout cas, d'après notre sympathique vendeur, le marché de la parabole et de ses accessoires est un marché très juteux, qui plus est, d'avenir. Puisque, comme le café et la cigarette, les Algériens ne s'arrêteront jamais de consommer de la télévision», ironise-t-il pour qualifier l'impact de la petite lucarne sur la population. Mais, comme diraient certains, cette parabole ne va pas s'installer toute seule! Les Algériens, étant un peuple de bricoleurs, tous, comme certains de leurs dirigeants, ils essaient souvent d'installer eux-mêmes cette fichue parabole. Mais, ils s'énervent très vite et se résignent à abandonner l'installation aux professionnels. D'où un nouveau métier, à savoir «technicien en parabole», a fait son apparition dans le paysage de l'audiovisuel algérien. Nombre d'entre-vous ont sûrement dû remarquer cette image d'un installateur de parabole en train de crier à son client: «Alors haye djate c'est bon» (elle est apparue en parlant de l'image sur l'écran TV). Cette scène que certains qualifieront de cliché très visible pendant la période qui a précédé le Ramadhan, le sera encore plus. C'est du moins ce que témoigne Noureddine, installateur de paraboles depuis plus de 15 ans. «Je parle en connaissance de cause, le mois de Ramadhan est un mois très prospère en matière d'affaires», rapporte-t-il. Il y a trois périodes-clés pour nos affaires, le mois de Ramadhan, l'été et surtout les événements sportifs. L'année dernière les trois périodes étaient réunies et je peux vous dire qu'on ne s'est pas arrêtés», garantit-il. Noureddine TPS, comme le surnomment ses clients, en référence au bouquet satellitaire TPS, indique qu'il a toutes sortes de clients, de différentes couches sociales. Noureddine, les classe en fonction du service qu'ils sollicitent. Il y a d'abord, ceux à qui il installe de nouvelles paraboles, ce sont les plus nombreux, les tarifs varient entre 1200 et 2000 DA la parabole en fonction de l'endroit et de son accessibilité. Il y a ceux qui le sollicitent juste pour un petit réglage de la parabole, «ceux-là, ils ne sont pas très nombreux, puisque la plupart des Algériens arrivent à se débrouiller seuls pour régler la parabole et à ceux-là, les tarifs varient entre 500 et 900 DA toujours en fonction de l'accessibilité mais aussi de la tête du client. S'il est sympa, il m'arrive de ne prendre que 200, juste l'équivalent du déplacement», explique-t-il. Il y a également ses fidèles clients ceux a qui il installe, il répare et règle depuis des années leurs paraboles; ils le sollicitent à n'importe quel moment pour un petit réglage, un conseil, un blocage. «Quand il y a une nouvelle offre pirate qui fait son apparition, je les informe... Ceux-là, les tarifs ce sont eux qui les définissent, ils lui donnent ce qu'ils veulent. «En tout cas, il n'y a jamais eu de problème avec eux, ils me donnent toujours bien plus que ce que j'attends en contrepartie. Je n'encaisse pas pour les petites bricoles», confirme-t-il. Ça flashe de partout Pour ce qui des raisons pour lesquelles les clients le contactent, Noureddine répond que cela se fait de bouche à oreille. «Moi qui exerce ce métier depuis le temps où la parabole s'est vulgarisée dans le pays, je n'ai pas de problème de clients, bien au contraire, il m'arrive d'en refuser, les gens me connaissent et me conseillent à leur amis et leurs familles, donc je me suis fait un nom». Pour ses autres confrères, «Monsieur TPS», dit que chacun a sa méthode pour attirer des clients. Il y a ceux qui, comme lui, se basent sur le bouche à oreille. D'autres, qui adoptent des stratégies plus marketing en collant des affiches publicitaires chez le coiffeur du coin, le boucher, l'épicier...tous les commerçants de proximité. Il y a d'autres par contre, plus malins, qui s'entendent avec les vendeurs des magasins en électronique, ceux qui proposent ce genre de produits, pour orienter leurs clients directement chez eux. «Ils donnent un petit bakchich aux employés de ces magasins en contrepartie. Les patrons sont au courant, mais cela ne les oriente pas puisque c'est comme un service en plus qu'ils rendent à leurs clients», précise-t-il. Ce nouveau métier d'installateurs de paraboles, s'est modernisé pour faire place à un autre nouveau métier, qui est celui de «flasheur de démodulateur numérique». Apparu avec la vague de la télé numérique qui avait touché l'Algérie au début du siècle, ce nouveau job, dans certains cas, allie en même temps celui d'installateur. Il est beaucoup plus rentable que ce dernier. «Une petite connaissance en informatique, un bon ordinateur avec une bonne connexion, quelques câbles data, et le tour est joué», admet pour sa part Mehdi, qui a opté pour ce travail du nouveau siècle qui lui rapporte assez pour bien vivre. «Les Algériens sont des accros de la télévision. Aussi, le flashage est très rentable, alors si on sait travailler, on peut se faire beaucoup d'argent», avoue-t-il. «Par exemple, moi je ramène des cartes Canal+ ou CanalSat, de l'étranger, la marge bénéficiaire vaut le détour», dit-il pour mettre en évidence la rentabilité de son métier. Les cartes Bis, et Al Jazeera Sport sont également intéressantes. «Avec la forte demande qu'il y a sur ces deux produits, on fait de la vente de masse qui peut engendrer beaucoup de bénéfices», met-il en exergue. Il avise que les nouveaux décodeurs «Morebox», avec leurs codes qui changent souvent permettent également aux affaires de se maintenir. «Oui, je confirme que pendant le Ramadhan, ça flashe de partout, les clients viennent flasher leurs démos, cartes ou décodeurs Morebox, pirates. Ils viennent tout le temps pour se renseigner sur la disponibilité de tel ou tel flashage. Il y en a même qui viennent tous les jours!», confie-t-il. «Je vous jure, en temps normal déjà, les Algériens sont accros à la TV. Mais pendant le Ramadhan, ils deviennent des malades de cette télé. Il faut voir leur visage quand je leur annonce que les codes ne sont pas disponibles. Ils sont déçus à un tel point qu'on se dit qu'ils vont pleurer», plaisante-t-il. Mehdi signale toutefois que «depuis l'adoption par les bouquets satellitaires de nouveaux modes de cryptage, les hakers n'arrivent pas à avoir aussi souvent les codes qu'avant. Il se peut que pendant deux ou trois mois on ne reçoive aucun code. Mais quand on les a, c'est la razzia», dit-il. «Même si les affaires sont relativement bonnes, elles n'égaleront jamais les premières années de la télé numérique en Algérie. A l'époque, tout comme les téléphones portables, les démos étaient des poules aux oeufs d'or», conclut-il.