En l'espace de dix ans, la télévision algérienne a tout de même pas mal évolué… en nombre. Le téléspectateur algérien a appris à zapper, qu'on le veuille ou non, même si le programme est le même lorsqu'on passe d'une chaîne à l'autre, ça fait un bien fou de zapper ! (il faudrait d'ailleurs que des spécialistes se penchent un jour sur cet étrange plaisir que l'on prend à user les piles de sa télécommande en zappant frénétiquement). Puis, le lien avec la télévision algérienne et le mois de Ramadhan s'est de plus en plus sacralisé au fil des années. “L'unique et ses clones pendant le Ramadhan, la parabole le reste du temps”, si bien que notre télé n'innove et ne redouble de créativité qu'un mois par an. Du coup, des cousines au teint foncé y ont vu là une belle occasion de goûter un peu à ce festin ramadhanesque, voire même d'y avoir droit. Nessma TV fut la première à s'inviter à notre table, et n'a pas hésité à louer les charmes de Biyouna (devenue l'emblème télévisuel du Ramadhan en Algérie) pour l'une de ses sitcoms. Beur TV a pris le relais cette année, la chaîne a mis les bouchées doubles, et s'est carrément offert, un mois durant, une orgie télévisuelle ! Biyouna, Abdelkader Secteur, Slimane Bekhlili, Lotfi Double Kanon, Hamid Achouri, tout ce beau monde s'est décidé à manger de ce beur… et à son argent tant qu'on y est. Mais en termes de surprise, c'est tout de même Lotfi Double Kanon qui arrive largement en tête du peloton. Voir l'une des icones du rap algérien à la tête d'un rendez-vous religieux, c'est tout de même osé ! L'émission s'appelle Rabi Yahdina, on y voit Lotfi faire un prêche de 20 minutes tous les soirs à 19h30 en casquette-jean derrière un bureau. Dans le premier numéro de Rabi Yahdina, Lotfi joue la carte de la simplicité en revenant sur sa tenue vestimentaire, il revient aussi sur le nom de l'émission qui, selon lui, est devenu une insulte alors que le terme “rabi yahdik” est lumineux à la base. Et pour justifier sa présence aux commandes de cette émission, Lotfi abat la carte de la proximité, il s'explique : “Lorsque vous regardez d'autres émissions, et je sais que sur la parabole il y en a plein, prenez par exemple les émissions religieuses ; ce sont des experts, des savants ou chercheurs en la matière qui la présentent, c'est la même chose pour les émissions sportives, on fait appel à des entraîneurs ou à d'anciens joueurs… que des experts ! C'est la première fois que nous allons faire une émission sans experts, nous allons ramener une personne comme tout le monde qui commet des fautes comme tout le monde, et nous allons tous nous remettre en question, ensemble et dans une langue qui nous ressemble.” L'auteur de Bouraka fait encore le buzz ce mois de Ramadhan mais cette fois, dans un tout autre registre que Lotfi fait son show. Choix risqué ou challenge à relever ?