Lors de ses sorties à l'intérieur du pays, il a sans doute mesuré l'importance du défi qui l'attend. Après une éclipse de courte durée, le temps sans doute de jauger ses points forts et ses faiblesses, après le «lâchage» du FLN, Bouteflika revient sur le devant de la scène, dans ce qu'on pourrait qualifier de contre-offensive politique majeure. Véritable «marathonien» de la politique, le Président de la République dispose d'énormes capacités intrinsèques à même de lui permettre de renverser la situation à son profit. Malgré des engagements internationaux assez nombreux, Bouteflika arrive à trouver le temps pour sillonner de nombreuses wilayas du pays. C'est parce qu'il est fragilisé par la candidature de Benflis à la présidentielle que le chef de l'Etat a engagé la bataille à l'est du pays, là où le FLN est le plus solidement implanté. En moins d'un mois, il aura visité pas moins de six wilayas (Souk-Ahras, Sétif, Djelfa, El-Tarf, Annaba, Constantine), autant de fiefs du FLN et donc théoriquement acquis à son secrétaire général. L'objectif de Bouteflika est de réduire de l'«effet Benflis» qui, après l'échec de la tentative de «putsch» passe pour le candidat le mieux placé à l'est du pays, qui se trouve être l'un des plus importants réservoirs électoraux, car totalisant près de 60% de l'électorat national. Lors de ses sorties à l'intérieur du pays, Bouteflika a sans doute mesuré l'importance du défi qui l'attend à l'occasion de la prochaine campagne électorale. Il aura, en face de lui, un homme qui bénéficie d'un soutien certain auprès d'une base militante qui a prouvé sa solidité, mais aussi sa solidarité avec les instances dirigeantes du parti. Lors de ce premier tour d'horizon qui, du reste, n'est pas fini, l'entourage de Bouteflika s'attelle à conforter la position du chef de l'Etat et entend gagner une bonne partie de l'électorat de l'Est. Il semble, en effet, que l'essentiel de la bataille électorale se déroulera dans cette région du pays, ce qui explique la stratégie du Président d'y entamer sa précampagne en attendant les grandes manoeuvres qui interviendront avec la prochaine rentrée sociale. En d'autres termes, Bouteflika ne s'avoue pas vaincu et entend défendre ses chances jusqu'au bout. Le redéploiement du chef de l'Etat n'en est qu'à ses débuts, d'autres actions d'envergure peuvent intervenir, et qui convergeront toutes vers une amélioration de la cote de popularité du chef de l'Etat. L'homme, qui en 1999 était quasi-inconnu des Algériens, a réussi en quelques mois à en charmer la majorité et à passer haut la main le test de la concorde civile. Dans ses derniers déplacements, force est de constater que Bouteflika fait montre de la même énergie. Les observateurs s'attendent à ce que cette dynamique aille crescendo, selon un plan de campagne savamment construit. Un plan de campagne qui, d'ailleurs, s'appuie sur des réalisations politiques concrètes, mais aussi sur des soutiens tout aussi concrets ailleurs qu'au FLN. Il lui est effectivement possible de s'appuyer sur le tissu associatif et une coalition de petits partis. Sa qualité de fin communicateur donnera une consistance au regroupement qui fera campagne pour sa réélection. Cela dit, la carte maîtresse du Président sera sans conteste un ralliement de l'Ugta à sa cause. La bipartite, prévue pour septembre, peut constituer une véritable rampe de lancement pour une «place au soleil», d'autant que l'armée affiche ouvertement sa neutralité par rapport au prochain rendez-vous politique. En effet, les propos du général Lamari sur la position de l'ANP ne souffrent aucune ambiguïté. «Nous reconnaîtrons le prochain président même si c'est Djaballah», a-t-il affirmé en substance. A ce propos, après le refus, en 1992, d'inscrire l'Algérie dans le scénario soudanais, où l'armée a gouverné avec les intégristes islamistes, l'ANP semble opter pour la démarche suivie par la Turquie qui laisse les islamistes prendre le pouvoir, mais veille sur les principes républicains de l'Etat. En termes de réalisation effective, Bouteflika a, à son actif, le retour de l'Algérie sur la scène internationale et le soutien entier des deux principaux chefs d'Etat de ce monde, Jacques Chirac et George Bush. Ce sont là autant d'atouts dont Bouteflika peut user pour renverser la situation et se placer en tête de file des candidats à la présidence de la République. Il en a effectivement les moyens.