Les veillées ramadanesques sont propices aux tractations. Nul doute que la vision sera plus claire après l'Aïd. Ce mois de carême, le quatrième sous Bouteflika, sera bien différent de tous ceux qui l'ont précédé. Contrairement aux années précédentes, en effet, la classe politique n'entrerait pas totalement en hibernation pour émerger au premier café bu la matinée de l'Aïd. Une trop importante échéance l'attend dès le mois de mars prochain. Mars et non pas avril si l'on en croit les déclarations faites par le chef du gouvernement dans sa conférence de presse. Il ne faut pas perdre de vue que le 11 novembre, en plein milieu de ce mois de piété, le tribunal d'Alger doit statuer sur les décisions prises lors du 8ème congrès du FLN. Beaucoup de ténors de la politique attendent impatiemment que la justice se prononce définitivement sur cette question avant d'afficher à leur tour la couleur. Ainsi, et même si en surface il ne faut pas s'attendre à quelque intense activité de la part de la classe politique, il en sera tout autrement sur le plan informel. Beaucoup de rencontres discrètes, mais importantes, sont forcément prévues dans certaines demeures des hauts d'Alger et de Club des Pins entre les personnages qui comptent dans le pays. Sans doute en émanera-t-il une meilleure visibilité politique, qui viendra contraster avec l'opacité présente. Même l'Ugta sera en pleine préparation de sa CEN (Commission exécutive nationale) prévue pour la fin de l'année et qui aura à se pencher, de manière informelle comme nous l'annonçait Abdelmadjid Sidi-Saïd, sur le future présidentielle. De potentiels et sérieux candidats comme Ahmed Taleb Ibrahimi, Mouloud Hamrouche ou Saâd Abdallah Djaballah, savent qu'il est tout aussi bon de se prononcer trop tôt, que de le faire sur le tard. La fin de cette année semble idéale à ce propos, puisque les trois hommes, outre Benflis et Bouteflika, sont les candidats qui ont le plus de chances d'accéder au poste de président de la République. Les lieux de culte, qui ne seront pas en reste, renoueront plus encore avec les «halakat» à forte connotation politique depuis que l'ex-FIS a repris «pignon sur mosquée». La libération des deux leaders du parti-dissous est venue exacerber un phénomène largement étendu dans les villes et villages du pays après une éclipse qui aura duré pendant tout le milieu des années 90. Bien plus que les zaouias, les dizaines de milliers de mosquées que compte le pays auront forcément à jouer un rôle déterminant lors du scrutin présidentiel. C'est durant le mois de Ramadan que les plus importants jalons seront mis et que nous saurons pour quelle candidature roulerait ce qui reste de l'électorat et de la direction de l'ex-FIS. Au plan sécuritaire, même si la situation s'est sensiblement améliorée, il n'est un secret pour personne que les groupes terroristes redoublent de férocité durant ce mois de «djihad». Systématiquement, des groupes terroristes, aidés par des sympathisants non fichés par la police, tentent d'investir la capitale pour y perpétrer de sanglants attentats. C'est pourquoi un dispositif sécuritaire spécial a été mis en place, afin de sécuriser les marchés, particulièrement fréquentés durant ce mois, mais aussi les lieux publics depuis que les familles algériennes tentent, petit à petit, de renouer avec les sorties nocturnes, qui pour les achats de l'Aïd, qui pour aller au spectacle et qui pour la prière des «taraouihe». (lire l'article de Djamel Mentouri). Si le doute sera en grande partie écarté aussi bien sur les plans sécuritaire que politique, rien ne dit qu'il en sera de même pour la situation sociale du pays. Les travailleurs ont eu beau bénéficier de sensibles hausses dans leurs salaires, le taux de croissance être ce qu'il est, l'écart ne cesse de se creuser entre les riches et les pauvres, tandis que le pouvoir d'achat ne cesse d'être rogné. C'est durant cette période que le porte-monnaie des ménages sent le plus sa «légèreté» devant la hausse effrayante de tous les biens et services dans le pays. Sur ce point précis, hélas, aucun doute n'est permis.