Les saisons changent pour suivre le mois de Ramadhan. Saveurs suaves, senteurs... quand vous nous clignez de l'oeil. Saveurs d'été, senteurs de printemps, saveurs suaves d'automne, elles ont toutes leur charme particulier et envoûtant. Mais les saveurs de Ramadhan sont certainement particulières, différentes, charmeuses, à la limite du sensuel. Elles taquinent les narines et les papilles gustatives sans retenue comme pour narguer le jeune jeûneur errant... Changeant de saison pour suivre le Ramadhan, elles, sont coriaces ces charmantes sensations qui collent à la peau quel que soit l'âge de la personne. Immuables sont-elles ou le semblent-elles mais leurs décors et atmosphère se métamorphosent au fil des années. Combien les saisons changent de look lorsque le Ramadhan arrive. Il s'impose comme un maître de musique ou un chef d'orchestre. C'est lui qui donne le «la» à trente jours de ce «goût de vivre» qui s'impose aux fidèles. Tout s'articule désormais autour de ce mois. Les odeurs des épices ont envahi les gîtes depuis déjà plusieurs jours, avant même le coup de starter du jeûne. Certains autres préparatifs sont également visibles: le ravalement des maisons ou le grand nettoyage des habitations qu'entreprenaient des familles, à la veille du mois sacré. Sacré, faut-il le rappeler, pour avoir été témoin de la Révélation du premier commandement du Saint Coran, «Ikra'». Une promenade dans les venelles de ce qui reste de l'auguste Casbah d'Alger nous plonge dans ces souvenirs. Ils sont palpables tant est présent le souhait ardent de ses habitants de voir les sensations à la fois de spleen et du goût de vivre» demeurer à jamais. Présent, ce souhait est partout. Les magasins d'alimentation sont garnis tout autrement durant cette période. Plus de gaieté et de couleur animent les étals. Tout rappelle l'heure de la rupture du jeûne. Pour mieux faire, l'on dispose sur ou autour des fruits exposés, par exemple, quelques chapelets de fleurs de jasmin, patiemment enfilées au petit matin par des mains délicates de jeunes filles souriantes. Parfois, pour ajouter au must, des pots de basilic sont placés d'une main judicieuse entre les denrées diverses proposées au client, ce qui leur donne un aspect particulier qui invite à la consommation donc à l'achat.Certains vendeurs y ajoutent «un plus» en éparpillant des fleurs de «fell» odorantes et parfumées, qui répandent leurs effluves pour titiller agréablement au passage les sens olfactifs des chalands et promeneurs. D'autres encore sèment d'un geste faussement négligé, des fleurs d'oranger qui ne manquent pas d'embaumer de leur doux parfum rafraîchissant conviant l'acheteur - jeûneur à s'arrêter, ne serait-ce qu'un instant et pourquoi pas, effectuer un achat, même de complaisance ou de circonstance. Que dire encore sur ce que l'on contemple au hasard d'une promenade à la Casbah ou tout autre ancien quartier de la capitale et des autres grandes villes où s'épousent les uns aux autres, les quartiers de la vieille ville et de la ville européenne. Les narines sont délicieusement «agressées» par ces fragrances émanant d'une multitude de «kdirate», ces petites marmites en terre cuite si prisées pour la cuisson de la chorba ou de la h'rira, c'est selon. Le jeûneur qui monte les escaliers de toute demeure, s'enivre presque par ces odeurs suaves de plats qui mijotent et dont le fumet s'échappe «malicieusement» dirions-nous des portes et des fenêtres. Parfois même, ce fumet est visible lorsqu'il arpente les hauteurs et vient flatter les sens endormis par plusieurs heures de jeûne déjà.