Eclaboussé par les accusations de Mahfoud Saâdaoui, le ministre de l'Intérieur a tenté, hier, une riposte. Lors d'une conférence de presse animée à Djelfa, en marge de la visite de Abdelaziz Bouteflika, Yazid Zerhouni s'est dit “diffamé par la justice en 1990”. Dans la foulée, il s'en est pris à notre confrère Le Matin, qui avait publié le témoignage de cet ancien moudjahid dont le seul tort était d'avoir refusé de céder son local commercial à l'épouse de Yazid Zerhouni. Le ministre de l'Intérieur a estimé qu'“avec cette affaire, Le Matin perd de plus en plus sa crédibilité”, avant de s'en prendre au premier responsable de ce journal en affirmant : “C'est facile pour le directeur du Matin d'envoyer des saloperies par fax.” Au lieu de s'expliquer sur cette affaire qui est bien partie pour être le feuilleton de l'été, Yazid Zerhouni s'est fendu d'un réquisitoire contre le directeur du Matin. “Je me demande comment il vit à Paris et comment il y a acquis ses biens immobiliers ?”, a-t-il affirmé avant d'ajouter : “Moi, je peux me promener la tête haute dans toutes les rues d'Algérie.” Le ministre de l'Intérieur a, toutefois, indiqué que “la justice tranchera dans cette affaire”. Contacté, le directeur du Matin, Mohamed Benchicou, a affirmé que les propos de Zerhouni sont ceux d'un “apparatchik pris la main dans le sac, rattrapé par son passé et qui refuse de s'expliquer devant l'opinion algérienne et internationale”, parce que, ajoute-t-il, “l'affaire Zerhouni-Saâdaoui est une affaire d'atteinte aux droits de l'Homme, comparable à celles d'Aussaresses, Bigeard, Klaus Barbie, Bousquet…”. Mohamed Benchicou considère qu'il y va de la légitimité de la République de “faire toute la lumière sur cette affaire et de répondre à la question principale : un tortionnaire, s'il s'est avéré qu'il le fut, a-t-il le droit de siéger dans le gouvernement d'une Algérie qui a fait des droits de l'Homme son credo ?” Au passage, il ne manque pas de qualifier de “dérisoires” les arguments de Zerhouni et s'est déclaré tout à fait disposé à aller devant les juges algériens sur l'affaire Zerhouni-Saâdaoui et sur tout le reste. Mais, a-t-il ajouté, à charge pour Zerhouni d'éclairer l'opinion algérienne sur “le ranch acheté par Bouteflika à Abu Dhabi, sur les transferts illégaux de capitaux depuis plus de trois ans par le clan de Oujda dont Zerhouni est l'une des pièces maîtresses, sur l'usage que le cercle présidentiel a fait de l'argent de Khalifa pour acquérir un appartement à Paris et un peu partout en Europe”. Le directeur du Matin affirme que son journal a fait parler un citoyen algérien, de surcroît moudjahid, sur la torture qu'il a subie à l'époque où la liberté de la presse n'existait pas, ajoutant que son journal va poursuivre ses investigations. Par ailleurs, Yazid Zerhouni s'est exprimé lors de sa conférence de presse sur la crise en Kabylie en annonçant la tenue des élections locales partielles “dans un mois au plus tard”. “Nous souhaitons dialoguer avec des gens responsables”, a-t-il dit, précisant que le gouvernement “souhaite dialoguer avec des gens responsables” et qu'il “faudra une évaluation de la situation en Kabylie”. Yazid Zerhouni a également évoqué les “problèmes” du FLN, souhaitant qu'ils soient réglés à l'intérieur du parti. “Maintenant, si ces problèmes auront des répercussions sur l'ordre public, les autorités vont réagir”, a-t-il menacé. L. G. Le Matin répond au ministre de l'Intérieur “Il doit répondre à la question de la torture” Interrogé, hier, Youcef Rezzoug, rédacteur en chef du quotidien Le Matin qui a publié l'interview de Saâdaoui Mahfoud accusant de torture le ministre de l'Intérieur, nous a fait la déclaration suivante : “L'opinion attendait Zerhouni sur un problème de fond. Il est accusé publiquement de torture par un citoyen algérien. Le ministre de l'Intérieur doit répondre sur cette question. Quant à ses accusations contre Le Matin, ce n'est pas à Zerhouni de parler de la crédibilité d'un journal. Nous continuons de faire notre travail qui consiste à donner la parole aux gens.”