On reste confondu face au vide - sidéral affirment d'aucuns - d'un champ politique algérien en perpétuelle gestation. On déplore souvent l'absence d'une classe politique qui reste le produit de partis lesquels sont eux-mêmes incubateurs d'hommes politiques desquels émergent des leaders qui produiront les hommes d'Etat dont...l'Etat a besoin. Un processus qui, c'est évident, se fait sur le long terme. On pouvait admettre que ces hommes d'Etat ne pouvaient surgir du néant et que cette marche vers l'avant devait suivre un processus d'évolution, hélas, interrompu en Algérie au lendemain même de l'Indépendance. De fait, ce processus n'a jamais existé en Algérie car annihilé, dès le départ, par des hommes qui ont décidé, par-devers eux-mêmes, que la politique n'avait pas de place en Algérie, ou trop «dangereuse» pour la laisser entre les mains des citoyens. Sans partis politiques on ne peut, c'est incontestable, former des hommes politiques. Ceci posé, on peut comprendre pourquoi en près de 50 ans d'indépendance, l'Algérie n'a pas pu produire des hommes politiques, encore moins des Hommes d'Etat, capables d'accompagner la marche du pays vers son développement. C'est le militantisme partisan qui crée l'homme politique. Or, il n'y eut jamais de (vrais) partis politiques post-Indépendance. Les premiers partis politiques algériens du XXe siècle - l'ENA (Etoile nord-africaine), le PPA (Parti du peule algérien), le Mtld (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques), l'Udma (Union démocratique du Manifeste algérien) - qui ont été le creuset d'hommes politiques de la dimension de Messali Hadj, de Ferhat Abbas, de Krim Belkacem, de Mohamed Boudiaf et bien d'autres... n'ont pas eu la relève attendue, dès lors que la politique a été mise «hors la loi». A telle enseigne que, même le FLN - qui est resté dans son essence le mouvement de libération qu'il a été, avec tout ce que cela sous-entend - n'a jamais su, voulu, se muer en parti politique, demeurant l'appareil dont les missions, qui lui ont été assignées, n'ont pas évolué depuis l'aube de l'indépendance. Cette carence, absence de partis politiques, eut pour résultat le déficit avéré en hommes d'Etat que le président Bouteflika n'a, d'ailleurs, pas manqué de déplorer au début de son premier mandat. Toutefois, donnons acte à M.Belkhadem qui affirmait récemment qu'il n'y a pas de partis politiques en Algérie. Et pour cause! Ces partis sont des clones qui reproduisent par mimétisme tout ce qui ne fonctionne pas au FLN. Le constat est donc clair sur le fait qu'il n'y a pas de «classe politique» en Algérie. Pouvait-il en être autrement quand le champ politique est lui-même le résultat de l'existence de partis politiques, lesquels jouent un rôle prépondérant dans la mise à la disposition des institutions de l'Etat des «hommes d'Etat». Faut-il, dès lors, s'étonner que l'Administration se soit substituée à des partis politiques chimériques? Ce vide politique s'explique donc et est le produit d'une volonté, bien politique, de maintenir le pays en sujétion. Ceux qui font fonction «d'hommes politiques» n'ont jamais été élus, mais «cooptés». Une autre façon de tuer la politique. C'est ainsi que le système s'est reproduit, par cooptation, depuis près d'un demi-siècle. Un tel système peut-il être réformé, se réformer de l'intérieur ou diriger des réformes? On peut en douter. De fait, l'absence de débats sérieux et publics autour des réformes engagées, l'ignorance de la place de la classe politique dans le processus de démocratisation, ne peuvent qu'être vouées à l'échec. En vérité, pour que les réformes aboutissent il faut commencer par libérer le champ politique des carcans qui ont contribué à le maintenir dans l'inaptitude en l'absence d'hommes politiques capables d'avoir une vision pour l'Algérie, qui ont des convictions, des idées, et qui savent exposer les enjeux. On n'en est pas là.