Les salles où l'on peut déguster une glace ne désemplissent pas pendant ces chaudes soirées ramadhanesques. «Sidna Ramadhan» semble quelque peu courroucé par cette nouvelle venue qu'est la glace sur les tables traditionnelles des soirées ramadhanesques. Favorisée par un climat chaud, la crème glacée, à la fraîcheur pétillante à la fraise, à la pistache, au chocolat..., cette «intruse» est venue bousculer gentiment et refroidir les habitudes alimentaires d'antan. Il reste encore quelques voix de sexagénaires, des plus ou moins âgés, qui regrettent les «meïdas» garnies de divers desserts sucrés servis après le F'tour. Ces délicatesses préparées avec amour, étaient généralement composées de l'incontournable couple royal «kalbelouz et baklaoua» accompagné parfois, souvent même, dirions-nous, de leurs «sujets», tout aussi délicieux, que sont les autres gâteaux au miel finement préparés par les mains expertes et émérites de nos mères et grands-mères et aussi par la zalabia qui ne rate aucun Ramadhan pour venir titiller nos papilles gustatives. Pour certains, ces moments de plaisir ne sont pas à leur portée pour diverses raisons qui seraient liées par exemple à l'éloignement de leurs familles. Aussi, de nombreux cafés «maures», pour utiliser cette expression définissant ces anciens cafés où l'on pouvait jadis réellement s'attabler pour déguster un café ou un thé, s'évertuent à créer un tant soit peu à leurs clients une ambiance familiale en proposant des sucreries si agréables et si recommandées pour rétablir le taux d'énergie perdue durant le long jeûne de la journée. Le temps était alors complice du consommateur. Il prenait tout son loisir à siroter lentement son thé généreusement parfumé par des feuilles de menthe qui donne ce goût subtil à cette boisson rafraîchissante. Il dégustait également sans se presser un café parfumé à l'eau de fleur d'oranger servi dans un «fendjel». Autres temps, autres moeurs! De nos jours, particulièrement lorsque le Ramdahan s'invite en été, ce sont les glaces qui ravissent la vedette au fameux couple «kalbelouze-baklaoua». C'est aussi l'occasion qui s'offre aux femmes au foyer de «piquer» une sortie pour déguster une glace qu'elles ne peuvent préparer chez elles. C'est aussi l'à-propos recherché pour sortir en famille, y compris les enfants. Certaines, voisines ou parentes, préparent ce moment avec force coups de téléphones pour se donner rendez-vous après le «nettoyage» qui suit le moment de la «grande bouffe». Les quartiers populaires, comme celui d'El Kettani, sont gâtés. En effet, les aménagements réalisés pour les loisirs, effaçant à jamais les tristes souvenirs des inondations de Bab El Oued qui avaient endeuillé de si nombreuses familles, leur offrent un cadre agréable de quiétude pour meubler une soirée pendant le Ramadhan. De nombreux points y ont été aménagés pour une dégustation de glaces. Kiosques, salons de thé, cafétérias et autres établissements parsèment les allées d'El Kettani, le rendant plus hospitalier encore sous un zéphyr légèrement iodé par la mer toute proche. Outre la séance de dégustation, qui traîne souvent en longueur, tout comme dans un bain maure après la toilette, les familles déambulent oisivement dans une ambiance bon enfant. Les femmes s'y plaisent énormément. Elles ne s'empêchent pas de garder l'oeil écarquillé sur les toilettes que portent leurs semblables, féminité oblige, ni de surveiller du coin de l'autre oeil leur progéniture qui gambade tout près autour de la famille, pour les plus sages. Les pères de famille, à voir leur mine radieuse et souriante, sont heureux aussi d'avoir accompli leur mission d'accompagnateur comme pour s'acquitter et remercier la mère de famille qui a trimé toute une journée durant pour préparer le F'tour.