Une justice à deux vitesses Trois mois de cauchemar auront suffi à DSK pour mesurer combien une relation sexuelle peut chambouler le destin d'un homme. Fin de cauchemar pour Dominique Strauss-Kahn. Le juge du tribunal pénal de Manhattan, Michael Obus, devait annoncer, hier soir, l'abandon des poursuites judiciaires contre l'ancien patron du FMI Dominique Strauss-Kahn. D'entrée de jeu, dans l'après-midi, le juge chargé de l'affaire DSK à New York a refusé la nomination d'un procureur spécial que l'avocat de la femme de chambre, qui accuse Dominique Strauss-Kahn de crimes sexuels, avait demandé, selon le texte d'un arrêt rendu par le juge. «Le tribunal a conclu que rien ne justifiait la récusation du procureur. Dès lors, la demande est rejetée», a écrit Michael Obus en réponse à la demande de Me Kenneth Thompson. Ce dernier avait réclamé la nomination d'un procureur spécial en remplacement du procureur Cyrus Vance, qui a demandé lundi à la justice d'abandonner les poursuites contre M. Strauss-Kahn. Quelques minutes plus tard, Dominique Strauss-Kahn arrive au tribunal de New York, le visage grave, à 11h00 locales (15h00 GMT) en compagnie de son épouse, Anne Sinclair. Il faut dire que bien avant l'audience d'hier, tous les experts ont prédit que le juge new-yorkais suivra la recommandation du parquet d'abandonner les sept chefs d'accusation, dont la tentative de viol, l'agression sexuelle et la séquestration, qui pèsent sur l'ancien directeur général du FMI. Le procureur Cyrus Vance chargé de l'affaire DSK à New York a, en effet, demandé avant-hier au juge l'abandon des poursuites pour crimes sexuels. Lundi, le procureur Cyrus Vance avait expliqué que Dominique Strauss-Kahn et Nafissatou Diallo ont bien eu une relation sexuelle, probablement «non consentie», jugeant «accablants» les mensonges proférés par la femme de chambre Nafissatou Diallo. Le procureur a estimé, en outre, que les versions contradictoires de la plaignante rendent la poursuite de la procédure impossible. Suite à cette décision, une vingtaine de féministes se sont rassemblées sur les marches du tribunal de Manhattan pour demander le maintien des poursuites. L'un des avocats américains de Nafissatou Diallo, Me Douglas Wigdor, a affirmé, hier, à Paris, que de «nombreuses femmes» avaient contacté son cabinet pour témoigner contre Dominique Strauss-Kahn, accusé par sa cliente d'agression sexuelle. Cela dit, selon les juristes, le très probable abandon des poursuites pénales contre Dominique Strauss-Kahn ne mettra cependant pas un point final à l'affaire: aux Etats-Unis, on peut être blanchi au pénal mais reconnu «responsable civilement». Les arguments du procureur Cyrus Vance Dans un long argumentaire de 25 pages, les services de Cyrus Vance expliquent que la femme de chambre guinéenne a tellement menti qu'elle ne peut être crédible dans un procès. Et que si une relation sexuelle précipitée a bien eu lieu avec l'ancien patron du FMI le 14 mai, les éléments matériels ne permettent pas «d'établir de manière indépendante» qu'il s'agissait d'une relation forcée. Mme Diallo, explique le procureur, a donné trois «versions contradictoires» de ce qui s'était passé après sa rencontre avec DSK. Confrontée à ses contradictions, elle a affirmé n'avoir jamais tenu les propos qu'on lui prêtait. Ces versions contradictoires «affaiblissent sa crédibilité comme témoin» dans un procès, et rendent «difficile d'établir ce qui s'est passé entre les heures critiques de 12h06 et 12h26» le 14 mai. «Nous n'avons pas confiance en elle pour dire la vérité si elle devait témoigner», ajoute-t-il. Le rapport précise que Nafissatou Diallo a ainsi raconté en détail le 16 mai comment elle avait été violée par des soldats en Guinée, sous les yeux de sa fille de 2 ans. Le 9 juin, elle a admis qu'elle avait complètement inventé cette histoire. Selon le procureur, Mme Diallo a menti pour garder son logement HLM et caché au procureur que des dizaines de milliers de dollars étaient mis sur son compte bancaire par d'autres personnes. Des versions contradictoires Elle a aussi mentionné un possible gain financier en liaison avec l'affaire DSK, dans une conversation avec son «fiancé» emprisonné en Arizona. En plus de cela, selon le procureur, le rapport médical de l'hôpital St-Luke où elle a été examinée le 14 mai ne fait pas état de blessures ou de traumatismes, relevant simplement «une rougeur» lors de l'examen gynécologique. Une douleur à l'épaule a également été mentionnée à l'hôpital. En tout, la rencontre entre Nafissatou Diallo et DSK a duré de sept à neuf minutes, ajoute le procureur.