Un Etat de droit, dans la mesure, certes, où l'on se trouve formellement dans un tel contexte, a des règles qui s'imposent à tous et singulièrement à ceux dont la mission première est de les faire respecter. C'est-à-dire les institutions de l'Etat, le gouvernement et, plus particulièrement, ses départements, notamment le ministère de la Justice, chargés de veiller au respect des lois et de leur application. Comme de rappeler que nul n'est censé ignorer la loi. Mais lorsque ce sont ceux qui ont cette charge - pas seulement le ministre de la Justice ou son collègue de l'Intérieur - qui foulent aux pieds les lois ou, pire, les outragent ostensiblement, il y a comme une équivoque qu'il faut lever absolument pour qu'il n'y ait pas de doute sur la légalité de ce qui se fait au nom de la République. Il y a ainsi, cette curieuse récurrence de propos quant à l'éventuel retour de l'ex-FIS dans le champ politique national. Tant que cela venait de citoyens anonymes, il n'y avait pas lieu de s'alarmer dès lors que cela n'engageait pas l'Etat. Ce n'est plus le cas du moment que ce sont des hommes politiques, en exercice du pouvoir, qui appellent au retour de l'ex-parti islamiste dissous par la Justice algérienne, au nom de la République algérienne. De deux choses l'une: ou la loi de l'Etat algérien a un sens et s'impose donc à tous, surtout aux dirigeants et aux hommes politiques, ou elle est à géométrie variable et est manipulable au gré des circonstances. Dès lors, il convient de se poser la question de savoir si nous sommes dans un Etat de droit. Il est patent qu'il y a un vide constitutionnel qui laisse perplexe si l'on veut se placer sous le signe de la légalité républicaine. Or, il semble que c'est de l'intérieur même des institutions de l'Etat, que des actions sont diligentées pour perpétuer l'amalgame lorsqu'on laisse croire à la possibilité pour l'ex-FIS de revenir dans le champ de la compétition politique. Ces déclarations neutralisent de facto le fonctionnement normal de l'Etat par les interprétations tendancieuses faites de ses lois. Ce qui est important en ces moments de (re)construction de l'Etat c'est de faire la part des choses et de ne pas se laisser abuser par ce qui se passe ailleurs. Il semblerait que l'islamisme, devenu à la mode, serait la panacée et valable partout dans le Monde arabe et musulman. Ce qui est faux. D'aucuns sont obnubilés par l'expérience (réussie, il est vrai) de la Turquie, oubliant que dans ce pays ce sont les islamistes qui se sont adaptés et se sont pliés aux lois de la République. Pas le contraire! Et puis, en Turquie le terreau laïc et démocratique, qui a formaté la société turque, a largement influé sur la donne politique. C'est loin d'être le cas en Algérie. L'expérience traumatisante des islamistes au pouvoir est toujours présente dans les esprits. Ce qu'il faut dire, c'est d'abord l'assurance du respect des lois de la République aux fins d'instaurer l'Etat de droit. Aussi, la charge que l'on détient au niveau de l'Etat ne doit pas donner le pouvoir d'interprétation des lois lesquelles sont constantes. Si le pouvoir islamiste a réussi en Turquie c'est dû au fait de l'existence préalable de l'Etat de droit dans ce pays. Cela n'est point évident dans le Monde arabe. Et l'Etat de droit c'est d'abord, le respect des lois. Il est utile de rappeler que le FIS a été dissous en 1992 par la Justice algérienne, et ses dirigeants interdits de politique. Cette interdiction a été confirmée par la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, adoptée par référendum en septembre 2005 par le peuple algérien. Aussi, aujourd'hui, s'il y a un fait à souligner est que ce sont les lois de la République algérienne qui ont exclu du champ politique les anciens dirigeants islamistes. Ce n'est pas plus compliqué que cela, la loi étant réputée au-dessus de tous, citoyens comme dirigeants. Bonnes ou mauvaises, les lois s'appliquent donc à tous. C'est cela la légalité et le début de la démocratie. C'est-à-dire, l'Etat de droit!