Cette politique urbaine a favorisé la formation d'une puissante mafia du foncier. Il y a un peu plus d'une année, j'écrivais dans ces mêmes colonnes (voir L'Expression du 20 juin 2002, page 11) dans un article consacré à l'urbanisme «pervers» pratiqué dans l'une des plus importantes communes de la capitale, qui renferme pourtant en elle tous les «symboles» du pouvoir que: «L'étroitesse de la vision urbaine de nos politiciens, est devenue aujourd'hui menaçante aussi bien pour notre avenir, que celui de notre environnement urbain, sans parler du fait que cette politique urbaine a favorisé la formation d'une puissante mafia du foncier, qui possède des ramifications à des niveaux très élevés de la hiérarchie de l'Etat, et que cette montée en puissance du secteur de l'immobilier dans la vie économique nationale algérienne, a propulsé la spéculation dans le domaine du foncier et de l'habitat, au rang de principale source d'enrichissement, et de créneau presque exclusif où se forment les fortunes colossales à l'abri de tout contrôle.» Onze mois plus tard, jour pour jour, cette «médiocrité urbaine» conjuguée à l'indifférence «criminelle» de nos gouvernants, allait coûter malheureusement au peuple algérien le prix fort en vies humaines, et au Trésor public des centaines de milliards de dinars (des dizaines de milliards de dollars) pour la reconstitution du tissu urbain de toute la région algéroise (s'étendant sur des centaines de kilomètres carrés), laborieusement mis en place tout au long de trois longues décennies, au prix de moyens financiers et matériels colossaux, et qui a été littéralement réduit en «poussière» par une secousse tellurique d'une magnitude de 6,8 sur l'échelle de Richter, qui a frappé le nord de l'Algérie le 21 mai 2003. Et comme si les centaines de milliers de victimes innocentes du terrorisme, celles de l'hécatombe journalière de nos routes devenues meurtrières au bout de chaque borne kilométrique, et des intempéries saisonnières, qui se transforment dans notre pays en cataclysmes destructeurs, causant la mort de plusieurs centaines de personnes en plein centre de la capitale, ne suffisaient pas, voilà que le peuple algérien est de nouveau «convié» à assister dans «le calme et la sérénité» à de nouvelles images déchirantes de corps broyés, de familles entières ensevelies sous des tonnes de béton, de destins fauchés, de vies ruinées, d'espérances brisées, et de lendemains incertains, comptant inlassablement ses dizaines de milliers de morts, de blessés, de mutilés, d'estropiés, d'invalides et d'infirmes à vie, et des centaines de milliers de sans-abri, toutes des victimes de trop; acceptant la mort dans l'âme, mais avec une volonté inébranlable de vivre, ces statistiques macabres, qui meublent ces tristes soirées depuis bientôt une quinzaine d'années. Et comme les grandes douleurs s'expriment souvent dans le silence, le peuple algérien n'a pas besoin de «communiqué» pour faire savoir à tous ces «irresponsables» qui gèrent son quotidien, que l'Algérien en a assez de payer de sa vie, l'inconscience «coupable» de gestionnaires incompétents, et l'inconséquence «criminelle» de faux bâtisseurs dont la mauvaise foi n'a d'égale que la mauvaise qualité du béton, avec lequel ils ont construit ce qui s'avère être aujourd'hui de véritables «pièges à rats». Et si notre sort semble être condamné à graviter éternellement autour de cet horrible et macabre noyau statistique, le cas de la dernière catastrophe qui s'est abattue comme une malédiction sur le pays, si elle a permis aux scientifiques du monde entier de comparer leurs connaissances en matière de sismologie, et nous a permis à nous de mesurer toutes les angoisses, que chacun de nous peut ressentir, lorsqu'il se rend brutalement à l'évidence, que la seule parade en cas de catastrophe, dont se prévalait à nos yeux «d'idiots», avant ce jour fatidique du 21 mai 2003, le gouvernement national, avec toutes les «élites» de tous les services d'Etat (responsables de la sécurité civile), s'avère être un plan Orsec, imaginé il y a de cela près d'un quart de sicle, un plan aussi désuet qu'obsolète, avec les mêmes «misères» et la même «modicité» des moyens de secours et d'assistance qu'il y a vingt-trois ans, et une Protection civile, qui malgré, le courage et le sens du sacrifice dont ont fait preuve ses éléments dès les premières heures de 1a tragédie, fonctionne malheureusement aujourd'hui encore, selon la seule conception du risque qui a été à l'origine de sa création il y a près de quarante ans, elle aura permis surtout de dévoiler au grand jour, les anachronismes de notre politique d'urbanisation, responsable à mes yeux de l'amplification des conséquences de ce drame, qui a fait qu'une situation de séisme, dont on dénombre une vingtaine par année à travers le monde, selon monsieur Michel Carat géophysicien et sismologue français (invité sur le plateau de l'Entv durant la soirée du 8 juin 2003) puisse se transformer en une véritable tragédie nationale qui a réduit à néant, le «fleuron» du tissu urbain de l'Algérois, censé être pourtant le plus conforme du pays aux normes de construction en vigueur, aussi bien en ce qui concerne les études du sol, le respect des Plans d'occupation des sols (POS), les Plans directeurs d'aménagement urbain (Pdau), ainsi que les études de «microzonage» des agglomérations urbaines pour prémunir les constructions contre les risques sismiques, (études qui ont commencé à être pratiquées à ma connaissance à partir de 1986, date de création du centre de recherche appliquée en génie parasismique), qu'en ce qui concerne également le respect de la réglementation proprement dite, des normes de construction en zone urbaine, et les procédures de délivrance du permis de construire, mais aussi au vu de la formidable concentration dans la capitale d'une kyrielle d'instituts nationaux, d'études, de recherche et de contrôle dans le domaine du bâtiment, des travaux publics, et des grands ouvrages d'art. Deux grandes périodes ont cependant caractérisé l'évolution de la carrière urbanistique de l'agglomération algéroise, qui englobait avant 1984 la plus grande partie de l'actuelle wilaya de Boumerdès.