L'histoire des rapports franco-algériens n'a pas encore livré tous ses aspects. Pour pratiquement tous les Algériens et une grande partie des Français, l'Histoire de la guerre d'indépendance algérienne n'est pas encore écrite. Du moins des pans entiers de cette dernière gardent encore leurs secrets. Ces «trous» de l'histoire des rapports entre l'ex- colonie française, l'Algérie et sa puissance tutélaire, la France sont, volontairement ou non, entretenus, pour ne pas dire hermétiquement gardés, car relevant de ce qui est appelée la «raison d'Etat» aussi bien ici qu'outre Méditerranée. Comme l'histoire est un éternelle recommencement et un incessant va-et-vient entre le passé et le présent cela s'est immanquablement répercuté sur l'explication et la transcription rigoureuse des événements qui ont suivi l'indépendance de notre pays. Lors de son passage dans la rubrique «A coeur ouvert» de L'Expression, l'historien Mahfoud Kaddache spécialiste de l'histoire de la période coloniale mais très réservé sur la phase post-indépendance n'a pas réfuté cette tendance de l'évolution de l'histoire franco-algérienne. Pour lui «la sacralisation de la révolution autant par les pouvoirs successifs que par l'opinion publique en Algérie ont éludé les études critiques sur le sujet» Résultat: «Pendant longtemps, on a fait l'histoire sans ses principaux personnages ( cas de Messali El Hadj ), et ce qui était présenté comme une réécriture de l'histoire fut très vite assimilé à une falsification de celle-ci». En France, la culture de l'oubli de ce que l'on a appelé jusqu'à très récemment «les évènements» d'Algérie, a structuré en profondeur et pendant longtemps, la lecture politique contemporaine locale de l'histoire algérienne. Aussi, sans faire siennes les thèses de ceux qui ont traité de l'histoire du pays en opposant politique et même s'il admet «qu'il est sympathisant d'une certaine sphère idéologique», il reconnaît qu'il y a eu depuis l'indépendance du pays en 1962 «des déviations de l'histoire à cause de pouvoirs non représentatifs et d'élections truquées à la Naegelen». Et, à la question de savoir si on n' est pas toujours dans le vaste postulat colonial de la fameuse mission civilisatrice de l'Occident qui a substitué à cette dernière le démocratisme primaire, pour ne pas dire de façade à imposer au reste du monde, l'éminent historien a eu cette réponse plein de sagesse et de bon sens: «Tout ce qui nous vient de l'Occident ne nous est pas supérieur, mais certaines données de cette civilisation tendent à devenir cependant universelles, et on doit tenir compte de cette évolution du monde». D'ailleurs, d'après lui, et comparativement à l'Algérie, le cheminement de l'Histoire dans les deux pays voisins, le Maroc et la Tunisie, a été plus ou moins différent, sinon moins mouvementé, du moins jusqu'à présent. Pourquoi? Pour la simple raison que «les deux pays ont maîtrisé leur histoire, et ils n'ont pas encore connu une crise politique similaire à celle vécue par l'Algérie». Il reste que M. Mahfoud Kaddache est parfois catégorique dans ses analyses et ses certitudes, «il n' y a pas de clauses secrètes dans les Accords d'Evian», clame-t-il à ceux qui pensent le contraire. Ou encore a propos des archives, quand il considère que ces dernières «sont mieux conservées en France» et qu' on peut, selon lui, les consulter. En revanche, à l'entendre, «il y a très peu d'archives en Algérie et celles du Malg ont été envoyées aux services de la Présidence et des instances spécialisées». Autrement dit, les «ratées» de l'Histoire peuvent émaner aussi de considérations bassement matérielles, quoique c'est discutable, vu que les interférences de la politique peuvent être observées dans tous les domaines.