La France a considérablement gonflé le chiffre et porté des accusations infondées à l'adresse de la direction du FLN de l'époque. La question des harkis est, de loin, l'un des points de fixation qui minent encore l'histoire commune algéro-française. Plus de 40 ans après l'indépendance, le problème semble demeurer entier dans l'esprit des politiciens français qui, à chaque occasion, ressortent le dossier du printemps de 1962, en soutenant le chiffre de 70.000 supplétifs de l'armée française, «massacrés» disent-ils par le FLN. Sur cette question, l'historien Mahfoud Kaddache est formel: «Il n'y a pas eu d'ordre direct émanant de la direction de la révolution appelant à la liquidation des harkis». En fait, selon Kaddache, «les tueries ont été le fait d'initiatives privées de citoyens qui ont voulu se venger de s commises par ces harkis au temps de la colonisation». Il y a eu effectivement beaucoup de morts parmi les serviteurs algériens de l'armée française, mais il est un fait: la France a considérablement gonflé le chiffre et porté des accusations infondées à l'adresse de la direction du FLN de l'époque. En effet, Mahfoud Kaddache apporte un témoignage intéressant à ce propos: «les supplétifs arrêtés, jugés coupables de collaboration avec le colonialisme, ont été dirigés avec leur consentement, vers la frontière Est du pays et chargés des opérations de déminage des engins posés par l'armée françaises durant la guerre de libération nationale. Certains y sont morts et d'autres sont revenus à la vie civile après l'accomplissement de leur mission». Cette vérité historique que l'historien a recueillie auprès de nombreux responsables de la révolution, prouve donc que l'Algérie n'a pas eu le comportement barbare que lui imputent les politiciens français. De nombreux harkis vivent donc actuellement en Algérie et disposent de tous les droits que confèrent la citoyenneté algérienne. A ce propos, notre invité évoque sans les nommer, que certains cadres algériens, anciennement harkis ont payé, d'une manière ou d'une autre, leurs dettes à la société (déminage notamment). Questionné sur l'ampleur du phénomène en Algérie, notre invité relève son caractère marginal et affirme que globalement, les infiltrations d'anciens harkis dans l'administration sont assez minimes. On retiendra, par ailleurs, des propos tenus par Mahfoud Kaddache sur la question des harkis que tous ne sont pas coupables au premier degré. Il y eut, certes, des zélés parmi ce corps, mais de nombreux témoignages révèlent que des Algériens ont été poussés de force à la collaboration avec l'armée coloniale. 40 ans après, il sera sans doute difficile de séparer le bon grain de l'ivraie, d'autant que la question demeure encore très passionnée en Algérie, du fait de la «sacralisation» de la révolution algérienne. Ce n'est donc pas demain que cet aspect de l'histoire révèlera tous ses secrets. En attendant, le témoignage de notre invité constitue une contribution de valeur, à même de mieux appréhender le phénomène des harkis.