«Les harkis ne se comportaient pas comme de simples supplétifs d'une armée régulière, mais comme de véritables parias qui, non seulement exécutaient, avec zèle, les ordres des officiers français, mais prenaient un malin plaisir à humilier les populations sans défense.» C'est là le témoignage d'un cadre qui a été témoin des exactions commises par les harkis entre 1954 et 1962. Notre interlocuteur soutient: «J'étais très jeune et je me rappelle très bien comment ils défonçaient les portes des demeures habitées principalement par des femmes et des enfants pour faire subir aux Algériens les pires humiliations qu'on peut aisément qualifier aujourd'hui de crime contre l'humanité.» Selon le même cadre, les harkis ont agi en véritables bêtes dans les villages du pays. Il faut savoir qu'à l'époque, l'Algérie profonde était à plus de 95% rurale. C'est principalement dans les communautés paysannes que les harkis ont été recrutés par l'armée française. Evoluant dans des villages désertés par les hommes et peuplés par des femmes, des enfants et des vieillards, ils martyrisaient les populations et n'hésitaient pas à pratiquer les tortures les plus abjectes sur des femmes sans défense. Les crimes commis par les harkis étaient le plus souvent dignes d'une barbarie innommable. D'ailleurs, plusieurs dizaines d'années après l'indépendance, il est encore des Algériens qui gardent toujours les séquelles des tortures froidement exécutées par les harkis. C'est sur la base de nombreux témoignages que nous pouvons affirmer, sans risque de nous tromper, que les actes perpétrés par les harkis sont à répertorier dans la rubrique des crimes contre l'humanité. A l'indépendance du pays, la population excédée par les comportements inhumains des harkis a voulu en découdre. Autrement dit, ces «Français musulmans» n'ont pas fait l'objet d'une décision de liquidation de la part de l'ALN ou du FLN. «Au lendemain du 19 mars 62, ce sont les citoyens qui ont fait la chasse à ces individus qui avaient commis trop de crimes contre les Algériens», affirme notre interlocuteur. Ces propos ne sont pas isolés au sein de la communauté nationale. Ce sont des millions d'Algériens qui peuvent faire le même témoignage. La comparaison avec les collaborateurs du nazisme en France faite par le Président Bouteflika n'est pas du tout loin de la réalité, si l'on se met à recouper les nombreux témoignages sur les exactions commises par les harkis en Algérie. Des poursuites pour crime contre l'humanité à l'encontre de nombre d'entre eux peuvent très bien être recevables au TPI. Cela dit, que la France les ait abandonnés après son retrait d'Algérie, ce qui est vrai et constitue l'un des nombreux points noirs de l'histoire contemporaine de l'ancien empire, est une question qui ne concerne en rien l'Algérie indépendante, mais qu'ils s'estiment victimes de crime contre l'humanité perpétrés par les Etats français et algérien, cela relève d'une vision trop étroite et cache très mal une autre manoeuvre destinée à rouvrir, coûte que coûte, le dossier des harkis tout en impliquant l'Algérie dans un prétendu crime contre l'humanité. La plainte en elle-même est irrecevable du simple fait qu'à cette période-là, l'Etat algérien n'existait pas encore. Le premier à blâmer dans ce nouvel épisode des «Français musulmans d'Algérie» est l'Etat français qui a abandonné des gens qui ont cru en lui. En effet, si le gouvernement de l'Hexagone avait intégré ses harkis dans la société française, au lieu de les parquer comme des bêtes dans de véritables camps de concentration, on n'en serait pas là.