Il suffisait donc d'être présent, l'autre jour, dans les couloirs de l'APN, pour prendre au vol la confidence du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, révélant à la «confrérie» des journalistes - au détour d'une discussion à bâtons rompus - la bonne (?) nouvelle du prochain «déverrouillage» médiatique. «A la bonne heure», ne manquèrent pas de s'exclamer d'aucuns, quand d'autres, plus prudents, sinon plus pessimistes, préfèrent attendre pour voir. Et pour cause! Le fait que l'annonce ait été faite en marge d'une discussion est, à tout le moins, baroque. Même si M.Ouyahia répondait aux questions des journalistes ès qualité, cela n'engage pas pour autant le gouvernement tant que l'annonce n'est pas dûment annoncée par les voies officielles, comme de préciser la nature et le mécanisme qui présideront à l'ouverture du champ audiovisuel algérien. Rien de tel. Aussi, ne nous emballons pas et attendons pour voir. Les rapports presse-pouvoir n'ont jamais été ce long fleuve tranquille que d'aucuns semblaient supposer, mais ont été plutôt chaotiques alors que, sans doute complémentaires, ils avaient nombre de choses à partager. C'est surtout vrai de la part du pouvoir qui ignora l'importance de la presse et n'a jamais compris qu'il pouvait exister d'autres pôles de production de l'information, notamment les partis politiques et la société civile. C'est encore plus vrai depuis l'avènement du pluralisme politique, syndical et...médiatique. Mais quel pluralisme médiatique lorsque le pouvoir s'est réservé le monopole des médias lourds (la télévision et la radio) dont l'accès à des opinions contradictoires a été plus qu'improbable. C'est même l'une des raisons de l'échec du champ politique national demeuré atrophié, amorphe et peu dynamique. De fait, l'Algérie, qui vit dans un faux-semblant de diversité politique, est marquée par l'absence de débat d'idées et de confrontation sur les concepts politiques, économiques, sociologiques, culturels qui auraient donné au pays de dépasser les blocages qui ne lui ont pas permis la mise en oeuvre de la bonne gouvernance, avec en perspective le décollage économique, comme d'assurer l'Etat de droit. Ce n'est pas la presse écrite, aussi dynamique soit-elle, qui pouvait sérieusement et durablement faire oublier l'absence des médias lourds dans le champ politique national. En effet, c'est sur les plateaux de la radio et de la télévision que les concepts évoqués plus haut pouvaient être discutés et évalués. Cela n'a pas été le cas. Notre unique chaîne télé n'a jamais eu vocation (en vérité on ne le lui a pas permis) d'être le tremplin de l'éveil politique et du débat contradictoire. Pourtant si: la télévision algérienne avait, au début des années 90, dans le sillage du pluralisme politique et de l'ouverture médiatique, par ses émissions publiques et ses débats politiques, montré que l'on pouvait faire une excellente télévision. Bien sûr, comme toute bonne chose, cela ne pouvait durer, Et cela ne dura pas! Or, la Télévision algérienne a formé de très bons journalistes qui font le bonheur des chaînes satellitaires des pays du Golfe. C'est dire que les ressources humaines existaient pour donner naissance à des chaînes de radio et de télévision privées. Or, après la courte parenthèse de 1990-1991, le pouvoir découvrit subitement que l'Algérie n'était pas «mûre» pour le pluralisme médiatique. C'est du moins l'explication affichée à tout bout de champ pour justifier cet anachronisme: l'Algérie seul pays au monde dont la radio et la télévision sont soumises au monopole de l'Etat. Notons ce paradoxe: l'Algérie compte parmi les pays les plus parabolés au monde. Ceci explique sans doute cela. Il n'y a pas matière à en tirer fierté, surtout lorsque, souvent, ce sont ces ministres qui estiment l'Algérie peu mûre pour l'ouverture médiatique qui donnent, en exclusivité, aux médias étrangers des informations que l'on pouvait imaginer transiter d'abord, par la presse et les médias algériens. On ne se refait pas!