L'ex-international algérien et ex-capitaine du MC Alger, actuellement consultant de la Radio algérienne et de Canal Algérie, Nacer Bouiche, a bien voulu évoquer avec l'Expression l'élimination du MCA et de la JSK en Coupes africaines, la situation du professionnalisme en Algérie et le prochain match des Verts contre la République centrafricaine en Algérie pour le compte du dernier jour des éliminatoires de la CAN 2012. L'Expression: Que retenez-vous de l'élimination des deux représentants de l'Algérie en Coupes africaines, le MC Alger en Champion's League et la JS Kabylie en Coupe de la CAF? Nacer Bouiche: Nos deux représentants ont été éliminés dans ces joutes africaines en raison de plusieurs facteurs. Il y a le championnat d'Algérie qui a pris fin en juillet dernier en plus de cette période de transferts d'intersaison qui fait que les deux formations ont connu des départs et des arrivées de joueurs. En outre, quinze jours après la fin du dernier exercice, les deux clubs sont obligés de reprendre la compétition africaine. Il est évident dans ce cas là de constater que nos deux représentants n'étaient absolument pas prêts pour ce genre de compétition en cette période. Les compétitions africaines des clubs demandent une très bonne préparation et une bonne organisation logistique et budgétaire, entre autres, ce qui explique que ces deux équipes n'étaient vraiment pas prêtes pour représenter le pays dans ces joutes continentales. C'est d'ailleurs le même constat qui est fait pour les clubs maghrébins, et ce, à l'exception de l'Espérance de Tunis et du Ahly du Caire... Et pourquoi excepter ces deux formations? C'est simple. D'abord, ces deux clubs participent régulièrement à ces compétitions. Ils ont eu des difficultés au début tout en commettant plusieurs erreurs et, l'expérience aidant, ils ont, au fur et à mesure acquis ce mécanisme d'organisation qui leur permet de ne pas refaire les mêmes erreurs. D'autre part, ces deux clubs ont bien acquis cette culture de la préparation adéquate pour de telles compétitions contrairement aux nôtres. Par contre, nos clubs ne participent pas régulièrement à ce genre de compétition. Pour preuve, le Mouloudia d'Alger a remporté le championnat avant de jouer la saison d'après pour se sauver de la relégation et ne pourrait apparemment plus se qualifier en Coupe africaine qu'après une dizaine d'années. De plus, il y a lieu de tenir compte du changement de direction, de staffs techniques et des joueurs, donc de l'inconstance qui empêche une bonne organisation. Ensuite, on pourrait également expliquer le cas des difficultés que rencontrent des clubs maghrébins en dehors des deux cités plus haut par cette problématique que pose la programmation de la Confédération africaine de football. Au moment où les autres pays africains se trouvent en pleine période de championnats, les nôtres de cette région de l'Afrique se trouvent en intersaison et connaissent ainsi plusieurs bouleversements. Il est donc impossible sur le plan physiologique que nos joueurs soient capables de bien remplir leur mission. Et là, se pose le problème de gestion. Nos deux équipes ont donc été victimes de la mauvaise gestion. Si des résultats sont réalisés dans ces conditions cela ne relèvera que d'un miracle. Voyons à titre d'exemple le cas de la JSK: la saison précédente l'équipe a réussi à se qualifier aux quarts de finale puis aux demi-finales, mais la saison d'après elle lutte avec acharnement pour éviter la relégation. C'est le prix à payer pour tous les efforts effectués afin de parvenir aux demi-finales de cette Coupe africaine. Les joueurs n'ont plus de temps de récupération par la suite pour le Championnat d'Algérie. Nos deux représentants n'ont donc pas trouvé de solution pour ce problème. Et quelle serait la solution à votre avis? Il est nécessaire de revoir la programmation de la CAF. Nos clubs du Maghreb souffrent de cette programmation de la Confédération africaine depuis 30 ans bien évidemment, en excluant juste les deux clubs que j'ai déjà cités. Et puis il faut bien acquérir cette nouvelle culture de l'organisation et des prévisions, ce qui veut dire une bonne gouvernance, donc la bonne gestion. Il faut donc assurer une bonne professionnalisation. Que pensez-vous alors du professionnalisme dans notre pays à l'orée de cette nouvelle saison? L'outil principal pour s'assurer un bon passage au professionnalisme est l'infrastructure. Or, c'est un des problèmes dont souffrent les clubs algériens actuellement. Ce qui freine l'évolution de ce processus de professionnalisme. Un exemple pratique: j'ai vu le match de championnat entre le MC Saïda et l'ASO Chlef et je peux vous assurer sans risque de me tromper qu'une telle pelouse ne permet absolument pas de développer le vrai football. Il y a donc ce problème d'infrastructure qui se pose puis il y a ce cas de la programmation. Il faut juste revoir celle de l'année précédente pour s'en convaincre et oser ensuite parler de professionnalisme. On a, comme dit le proverbe, bien «placé la charrue avant les boeufs». Il faut donc au minimum assurer l'infrastructure pour chaque équipe et l'application stricte d'un cahier des charges. Sinon, il fallait procéder par groupe de clubs: ne professionnaliser que quelques clubs pour servir de locomotive aux autres. C'est le cas du championnat du Portugal, d'Espagne, à titre d'exemple. Je pense que la stratégie adoptée pour lancer le professionnalisme en Algérie a été donc défaillante... Mais il y a ce délai de la Fifa qui gêne les associations dont les clubs doivent passer au professionnalisme sous réserve de se voir éliminer de toute compétition internationale? Si l'on se place du point de vue de la Fifa, eh bien, nos stades par exemple ne sont pas du tout aux normes Fifa. D'autre part, pour les nouveaux stades on oblige les responsables à assurer l'évacuation des enceintes en un quart d'heure. Or chez nous, pour le faire, il faut une heure au moins. De plus, il est exigé des pelouses de qualité. Ce qui n'est pas le cas aussi chez nous, car dans ce contexte là, même si vous ramenez un Maradona, il ne pourrait pas développer son jeu. Quand une équipe ne peut pas jouer à 19 heures faute d'éclairage, on n'oserait plus parler de professionnalisme. Lors d'une émission en Tunisie alors que le MCA jouait un match de Coupe africaine au stade de Rouïba, j'avais fait la remarque que le Mouloudia d'Alger est sans domicile fixe et ce n'est qu'une commune qui a bien voulu aider le club à disputer ce match. Savez-vous que personne ne m'a cru? Pour eux, une équipe de la taille du MCA sans domicile fixe, est une belle blague... C'est dire que le terrain est l'outil principal pour tout club voulant assurer le passage au professionnalisme. Ainsi, je préfère qu'on parle de semi-professionnalisme plutôt que de professionnalisme dans le sens large du terme. Et que pensez-vous de cette équipe du MCA version 2011/2012? Le problème du Mouloudia est celui de la gestion. L'équipe est mal gérée. Quand on déclare lors du premier match de Coupe d'Afrique que l'on n'a que 11 joueurs et un seul remplaçant, c'est un problème directement lié à la mauvaise gestion. Il ne faut surtout pas oublier que l'on représente tout un pays dans une compétition africaine. Mieux encore, des responsables se sont mis à déclarer que l'équipe vise le carré d'As. Avec 11 joueurs valides et un remplaçant? C'est insensé! Et le résultat est là tout cru. Ce n'est donc pas du tout un problème d'entraîneur...? Ah non! Pas du tout, ce n'est pas du tout un problème de coach. Menguellati n'est pas mis en cause et encore moins Benchikha. Mourinho lui-même ne pourrait rien faire avec une telle équipe. Représenter le pays avec 11 joueurs valides seulement est une opération suicidaire. Le MCA n'était pas du tout prêt pour cette compétition, il ne fallait pas du tout s'y engager donc pour ne pas se ridiculiser. La JSK c'est aussi la même chose: quand Saïb alors coach de l'équipe ne cessait de dire que la Coupe de la CAF n'est pas dans ses objectifs avant de justifier par ces mêmes mots la défaite contre Fès, il ne fallait simplement pas s'engager pour ensuite préciser que ce n'est point un objectif. Il ne fallait pas pour les deux équipes qu'elles s'engagent dans cette compétition puis demander un budget à la FAF ou au MJS, et ce, sans compter cette histoire de manque de licence pour les nouveaux joueurs... En résumé, le MCA et la JSK sont donc bel et bien victimes de leurs gestions respectives. Certains pensent qu'il faudrait de nouvelles têtes en Equipe nationale pour affronter la République centrafricaine pour le compte de la dernière journée des éliminatoires de la CAN 2012 où l'Algérie est déjà hors course. Qu'en pensez-vous? Il faut bien se rappeler qu'au début, il y avait un premier projet donc un plan de travail et un véritable programme pour la CAN 2010. Il y a donc eu cette qualification et cette 4e place dans cette compétition continentale. Puis, c'est la qualification à la Coupe du Monde après 24 ans d'absence. Il fallait donc après bien assurer le passage de la suite. Il fallait donc un autre projet pour la CAN 2012. Là, il faut juste faire la remarque que les joueurs ont été surévalués. Il fallait par contre bien gérer cette euphorie. C'était de bons résultats, mais ce n'était point génial. Sans second projet, on a donc bien échoué. Il fallait refaire un autre programme et peut-être avec d'autres staffs s'il le fallait et d'autres têtes pour 2012. Ce qu'il faudrait donc aujourd'hui, c'est du sang neuf. Il faut changer de mentalité pour plus de rigueur et de discipline. Et il faudrait également donner cette véritable chance aux joueurs locaux. Il est temps de faire le ménage au sein de l'Equipe nationale. L'entraîneur est là et il a vraiment du caractère. Il est connu par la discipline et l'autorité. Ce qui manquait auparavant, car quand on lit les déclarations de Bouazza de retour chez les Verts en constatant plus de discipline que par le passé, c'est un signe... Il ne reste donc plus qu'à revenir à la case départ avec du sang neuf.