Les preneurs d'otages semblent avoir réussi le coup médiatique de l'année. Encerclés de toutes parts dans une zone hostile et n'offrant aucune alternative de fuite, même en laissant la vie sauve à leurs otages - 9 Allemands, 4 Suisses et 1 Néerlandais - les ravisseurs, qui se réclament du Gspc, ont réussi l'exploit de passer avec leurs otages au Mali, soit en faisant quelque 1000 km dans une zone découverte et aride, observée de toutes parts par les agents des services spéciaux. Ce groupe, plus important que le premier qui retenait les 17 otages libérés à Amgrid, est composé d'une quinzaine d'hommes armés, selon des sources militaires et se trouve dans le nord-est du Mali, où il a pris langue avec les autorités maliennes. Selon des sources, le groupe preneur d'otages n'entend plus négocier avec le pays hôte, en l'occurrence le Mali, excluant de fait toute tractation qu'avec les services de renseignement étrangers - allemands et suisses - qui ne leur reste désormais que le geste désespéré d'offrir une rançon conséquente et se retirer. Le «jeu serré» de ce groupe de ravisseurs a aussi signifié un constat d'échec des services spéciaux algériens qui, dès lors que les otages se trouvent au Mali, n'ont plus de larges marges de manoeuvre pour rattraper les occasions perdues. Si on prend en ligne de compte que les preneurs d'otages sont restés plusieurs semaines entre leurs mains, «coincés» dans les monts arides et rocailleux de Tamerlik, on devine aisément que les responsables de la sécurité doivent grincer des dents. Les troupes spéciales, qui quadrillaient la zone avec un maillage quasi imperméable, avec en ligne de mire les ravisseurs, ont dû, finalement, remballer leurs armes et quitter les lieux, après que «les politiques» eurent tranché la question. Or, là aussi, la négociation politique n'a pas été totalement réussie, car il y eut mort d'homme. La mort de l'Allemande - «d'insolation» prétendent les rares sources - sonne comme un premier discrédit jeté à la face de négociateurs qui ont tardé à concrétiser un «deal» avec les ravisseurs. Cinq mois dans un désert, aussi envoûtant que meurtrier, sont très longs pour les otages, comme pour les ravisseurs et on s'étonne comment, dans un geste de désespoir, ils n'aient pas abattu quelques-uns de leurs otages pour faire infléchir rapidement les troupes d'élite de l'armée qui les encerclaient. En fait, les ravisseurs ont fait preuve de beaucoup de ruse et de patience pour mettre en échec la stratégie qui leur avait été élaborée et éviter, de ce fait, de se faire «canarder» comme leurs compagnons d'Amgrid où l'assaut des militaires avait réussi à libérer le premier groupe d'otages (10 Autrichiens, 6 Allemands et 1 Suédois). En refusant de négocier avec les autorités algériennes, en procédant à gagner l'estime de leurs otages - effet du «syndrome de Stockholm» - et en optant pour un pays autre que l'Algérie, le groupe de ravisseurs, qui se réclame du Gspc (ou qu'on fait rattacher au Gspc) a joué «gros jeu» et semble avoir réussi à se libérer d'un guêpier au milieu duquel il semblait irrémédiablement perdu. Evidemment, les autorités algériennes ont souscrit au souhait du Président de la République de «laisser une sortie de secours aux ravisseurs» et de «privilégier une solution négociée», mais il semble évident que ni les militaires ni encore moins les services de renseignement algériens ne se réjouissent, aujourd'hui, de pareille issue. Car il faut bien se le dire, la négociation a abouti à un semblant de réussite du groupe terroriste, tout en créant un grave précédent dans les rapports de lutte implacable militaires-groupes armés. En termes clairs, tout le «grenouillage» entrepris en sous-sol n'a servi à rien: le groupe armé est hors des frontières de l'Algérie, les otages encore détenus, les services spéciaux algériens vont devoir jouer les spectateurs et détenir de seconde main les informations qui les intéressent au plus haut degré et la prochaine négociation se fera sans eux. Voilà, en clair, les motifs qui ont fait dire à un officier des troupes spéciales de Biskra: «Il n'y a qu'un politique qui peut faire échec à une stratégie mise en place par des militaires.»