On peut s'étonner de cette difficile et longue trajectoire suivie par les preneurs d'otages depuis Tamerlik. Les quinze touristes européens pris en otage, il y a de cela près de cinq mois, dans le Sahara algérien, et encore détenus par un groupe armé se réclamant du Gspc, ont été transférés vers le Mali par les preneurs d'otages, après négociations avec les autorités algériennes, a rapporté, hier, la chaîne de télévision ZDF, qui cite des «sources sécuritaires européennes». Cette issue de secours, consentie par les unités spéciales de l'armée, a été jugée «douloureuse, mais nécessaire» par des responsables de la sécurité algérienne, dans la mesure où, depuis plusieurs semaines, «les preneurs d'otages étaient localisés et encerclés», mais la situation se compliqua par les menaces de tuer un après un les otages détenus «si les unités de l'armée tentaient de s'approcher du groupe». En fait, cette impasse durait depuis plusieurs jours, et n'offrait aucune issue par le biais de laquelle on pouvait espérer libérer les quinze otages, second groupe de touristes détenus dans la périphérie de Tamanrasset. D'un côté, il y avait les unités spéciales de l'armée algérienne qui contrôlaient la situation en encerclant les grottes de Tamerlik de manière à ne laisser aucune chance aux preneurs d'otages. D'un autre, on avait un groupe de preneurs d'otages, échaudé par la déconfiture de ses compagnons d'Amguid (l'assaut donné par les troupes d'élite y avait permis de libérer 17 otages et de tuer plusieurs preneurs d'otages), qui, exténués par la chaleur (entre 45 et 50°) et le manque de nourriture, commençaient à s'énerver et menaçaient de commettre des actes désespérés. A plusieurs reprises, le Président de la République, Abdelaziz Bouteflika, essayait de réconforter les chancelleries occidentales (allemande, suisse et néerlandaise) et donnait des directives aux responsables militaires d'éviter un assaut qui mettrait la vie des otages en danger. Il confirma aussi, au moins à deux reprises, lors de sa présence à Strasbourg et à Vienne, que les otages «étaient toujours en vie» et qu'il consentait à laisser une «sortie honorable» aux preneurs d'otages, si ceux-ci s'engageaient à laisser la vie sauve aux 15 touristes européens (10 Allemands, 4 Suisses et 1 Néerlandais). Auparavant, il avait laissé entendre que les chancelleries occidentales pouvaient prendre langue «directement» avec les ravisseurs, s'il y avait là un «espoir de rapide dénouement» de cette affaire qui commençait à devenir encombrante pour les autorités algériennes. On se rappelle aussi de la présence d'officiers du DRS algérien à Bamako pour prendre attache avec leurs homologues maliens. On y avait vu une «empreinte» malienne parmi le groupe preneur d'otages, et effectivement, on parla d'une connexion d'hommes armés algériens et maliens dans ce kidnapping qui tient les médias en haleine depuis la mi-février. Ce deuxième groupe, qui est arrivé au Mali, il y a deux jours, avait disparu depuis le 21 février. Au départ, ils étaient onze, auxquels quatre autres se sont joints. Les Allemands, un groupe de quatre motards et un de deux avec un Néerlandais, étaient à Djanet et voulaient rejoindre Ouargla via Illizi, à une centaine de kilomètres. Les quatre Suisses voyageaient à bord d'un véhicule tout-terrain et devaient suivre l'itinéraire inverse, de Ouargla vers Illizi, près de la frontière algéro-libyenne, à travers la difficile piste de Belguebour et Oued Semen. Cependant, beaucoup de zones d'ombre persistent encore dans cette affaire qui n'a pas livré tous ses secrets. On peut s'étonner de cette difficile et longue trajectoire suivie par les preneurs d'otages depuis Tamerlik jusqu'au Mali (plus de 600 km) alors qu'il leur avait été plus simple d'entrer en Libye. On peut aussi se poser des questions sur l'affiliation exacte de ce groupe qui se réclame du Gspc, sans que l'état-major de Hassan Hattab (qui est, certes, parcimonieux en matière de communiqués) revendique pareil «coup d'éclat médiatique sans précédent». On peut, enfin, penser si cet antécédent ne constitue pas déjà une victoire pour le groupe preneur d'otages qui a réussi à quitter le territoire algérien à moindres frais en refusant toute négociation directe avec les autorités algériennes. On peut, à partir de là, deviner le grincement de dents des responsables militaires algériens.